Cannes 2018 : THUNDER ROAD / Critique

12-05-2018 - 15:59 - Par

Cannes 2018 : THUNDER ROAD

De Jim Cummings. ACID.

 

Synopsis officiel : L’histoire de Jimmy Arnaud, un policier texan qui essaie tant bien que mal d’élever sa fille. Le portrait tragi-comique d’une figure d’une Amérique vacillante.

 

Les plus mélomanes des spectateurs reconnaîtront dans le titre du film THUNDER ROAD une chanson de Bruce Springsteen, héros de l’Amérique qui trime. C’est aussi le morceau que Jim, un flic d’une trentaine d’années, veut faire résonner dans l’église à l’enterrement de sa mère. Mais il ne parviendra jamais à faire fonctionner le petit lecteur de CD rose en plastique qu’il a apporté avec lui. L’ouverture de THUNDER ROAD consiste en un époustouflant plan séquence de plus de 10 minutes qui avance en traveling, de manière quasiment imperceptible, vers ce grand dadais en uniforme, qui se rappelle de sa maman et (se) raconte à voix haute et sans filtre, de manière parfois très erratique, les souvenirs personnels qu’il garde devant un parterre de gens qui n’en ont pas grand chose à faire. Il pleure, il danse, il rit. On est aussi gêné que ceux venus rendre un dernier hommage à madame Brenda Arnaud, mais il faut en passer par là, par ces dix minutes impudiques et un peu pathétiques, pour connaître un peu mieux Jim, un personnage que l’on va suivre pendant 1h30 dans ses coups de sang et ses moments de désœuvrement émotionnel. On en sourira, on s’en inquiètera et puis on finira par compatir : Jim est quelqu’un de perdu. Père en plein divorce (sa femme est désormais recasée), Jim s’occupe de sa fille trois jours par semaine. Le lien avec elle est totalement brisé. Lui, quelqu’un d’entier, d’impulsif, d’égocentrique, est en perdition. Si son héros n’était pas un adulte à moustache qui porte un badge et manie les armes, THUNDER ROAD pourrait être un coming of age, où un gamin qui perd sa mère va enfin rentrer dans l’âge adulte en acceptant sa solitude. Et accessoirement, en intégrant qu’il n’est pas le centre du monde. Jim Cummings, acteur étonnant et réalisateur doué, se révèle comme un storyteller méticuleux, doté d’un sens du cadre admirable, comme si l’histoire qu’il nous racontait ne pouvait être racontée autrement. Du silence sourd qui règne sur une grande partie du film à l’immobilisme étrange de la mise en scène rompu par ce héros gesticulant, ce THUNDER ROAD transcende ses airs de petite ‘indépendanterie’ type Sundance pour encapsuler une Amérique des Heartlands en pleine crise de nerf. Son rythme à part, son ton mal-aimable et sa narration en tableaux peuvent éventuellement déplaire, mais pour peu qu’on y adhère, on admire la proposition de cinéma aussi limpide que radicale. Et on fait, par là-même, la connaissance d’un cinéaste à suivre.

De Jim Cummings. Avec Jim Cummings, Kendal Farr , Nican Robinson. États-Unis. 1h30. Prochainement

 

 

 

 

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