EN EAUX TROUBLES : chronique

21-08-2018 - 11:06 - Par

EN EAUX TROUBLES : chronique

Jason Statham et un requin géant ? Le projet a priori idéal est au final le genre de blockbuster qu’on ne veut plus voir.

 

Le potentiel d’EN EAUX TROUBLES est évident. Déjà parce que le bouquin dont il est l’adaptation assumait son côté bis et crado mais surtout parce que tout dans le film semble pouvoir à tout moment dérailler vers une grosse foire à la PIRANHA 3D. Il y a tout : les plages bondées, les requins géants, les Yorkshire perdus dans l’océan et un milliardaire complètement mégalo qui finance les opérations. Si Eli Roth a été limogé du projet, c’est probablement parce que Warner ne voulait pas qu’EN EAUX TROUBLES soit autre chose qu’un film à grand spectacle, familial, sans débordement sanglant ni faute de goût. Il fallait qu’il soit ce blockbuster gonflé aux CGI, rabâchant ad nauseam un message écolo pour s’acheter une raison d’exister, tout dévoué à séduire le public chinois avec sa star nationale (Li Bingbing) transformée en love interest de Jason Statham dans une relation bêtifiante. Jamais le film ne s’autorise le moindre trait satirique mais il préfère se draper dans un sérieux embarrassant (pour tout ce qui concerne l’action) et un humour adolescent gênant (pour les scènes dramatiques pures). Jon Turteltaub redouble d’efforts pour faire de sa vedette le roi du cool et de la vanne, mais c’est oublier que le cool ne se fabrique pas et qu’écrire de la comédie, c’est un métier. Jason Statham est un roi de l’humour mais sûrement pas un expert. C’est son sérieux, son premier degré qui, lorsqu’ils sont tournés en dérision avec sa complicité, deviennent hilarants. Ici, concept et scénario manquent terriblement de finesse et de discernement. Le film érige Statham en sauveur providentiel qui multiplie les miracles comme un autre a multiplié les pains. Les hommes l’admirent, les femmes l’adorent, et on ne compte plus les dialogues ineptes et hors propos de personnages le complimentant ou le remerciant de leur avoir sauvé la vie. Sans recul et sans talent d’écriture, le film ne cesse de commenter sa propre histoire et la place de chacun de ses personnages dans le récit, mâchant ainsi le boulot au spectateur, comblant le silence par des banalités, effrayé de se retrouver seul face à sa vacuité. Avec son postulat plutôt marrant – en découvrant qu’il existe une faune sous le fond présumé des océans, des scientifiques ouvrent la voie à un mégalodon pour qu’il remonte à la surface –, EN EAUX TROUBLES aurait pu être ce DENTS DE LA MER dégénéré mais même son hommage appuyé au chef-d’œuvre de Spielberg tombe à plat. À une poignée de scènes près (dont celle d’une petite fille attaquée par le requin géant, à travers la vitre d’un tunnel sous-marin), sa fainéantise fait beaucoup de tort à la cause blockbuster. Même Jason Statham fait grise mine en interview : « C’était à l’origine radicalement différent… Le film est orienté vers quelque chose qui n’est pas spécialement de mon goût… Je préfère les trucs plus gore et plus adultes. » Il n’est pas le seul.

De Jon Turteltaub. Avec Jason Statham, Li Bingbing, Cliff Curtis. États-Unis. 1h53. Sortie le 22 août

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