BLACKKKLANSMAN : chronique

21-08-2018 - 11:09 - Par

BLACKKKLANSMAN : chronique

Aux grands maux, les grands remèdes : Spike Lee revient avec une charge anti-Trump très incisive. Cannes lui a décerné le Grand Prix.

 

Pour mettre en accusation la grande Amérique – son sport préféré, et pour cause –, Spike Lee va raconter le temps des Black Panthers et du Ku Klux Klan, un temps ancien mais pas tant que ça. Mais surtout la façon dont Ron Stallworth, un flic noir, va, sur un coup de tête, décider de se farcir les bouseux du Klan. Et pour ça, il va s’y infiltrer. Enfin, pas vraiment. Au téléphone, c’est lui (John David Washington, fils de Denzel) qui négocie et pour le contact physique, il envoie son collègue blanc (Adam Driver), qui incarnera Stallworth à sa place. Une stratégie hasardeuse mais payante. Ron est sans peur et sans reproche. Il est un héritier de la Blaxploitation mais sans les clichés encombrants, même si Spike Lee emprunte quelques codes visuels au genre, politique et hégémonique, du Black power. Au vu du sujet et de celui qui le traite, on aurait pu imaginer un long-métrage plus offensif et plus ancré dans le thriller politique qu’il ne l’est au final. Pourtant, BLACKKKLANSMAN opte pour le mélange très déstabilisant des tons où le pouêt- pouêt d’une comédie policière côtoie, d’une manière parfois chaotique, le brûlot politique sans retenue. Spike Lee négocie difficilement les virages comiques alors que son cinéma excelle dans le dramatique. Reste que cette hétérogénéité bouscule, questionne et nous empêche de rester passifs. Spike Lee fait des choix de mise en scène audacieux : filmer des visages afro-américains inspirés et combatifs au son d’un discours militant avec des codes propagandistes ou demander à Harry Belafonte, venu rappeler au souvenir de jeunes activistes les horreurs du lynchage, de briser le quatrième mur dans le bluffant montage alterné d’un discours black power et d’une harangue white power. La fiction ne peut probablement pas refléter à elle seule toute la colère de Spike Lee alors il emprunte d’autres moyens dialectiques. Il n’y a pas de mauvais choix artistiques pour critiquer Trump, le seul vrai but du film. Il met donc dans la bouche des suprémacistes des slogans dérivés de ceux du Président américain et redéfinit aujourd’hui comme la dystopie d’hier, laissant le spectateur suspendu à une question qui hante tout le film : « Comment en est-on arrivés là ? » L’entreprise BLACKKKLANSMAN est forte, puissante, saisissante. De plus près, elle est pleine de scories – de son utilisation bordélique de la musique à un manque d’énergie à la mise en scène. Mais la perfection est ailleurs, dans la manière dont Spike Lee, au chevet depuis trente-cinq ans d’une Amérique malade, sait mettre le bon pansement sur une plaie ouverte avec un film de réconciliation, enflammé et important.

De Spike Lee. Avec John David Washington, Adam Driver, Topher Grace. États-Unis. 2h08. Sortie le 22 août

4Etoiles

 

 

 

 

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