BURNING : chronique

29-08-2018 - 10:04 - Par

BURNING : chronique

Même s’il en est reparti bredouille, BURNING était bien l’un des tout meilleurs films de Cannes 2018. À ne rater sous aucun prétexte.

 

Quelque temps après que Jong-su a rencontré Haemi, celle-ci lui présente Ben. Entre les deux hommes, une bien étrange danse commence… Selon Lee Chang-dong, la nouvelle « Les Granges brûlées » de Haruki Murakami, qu’adapte BURNING, déroule une histoire où « il ne se passe rien ». De ce vide, que Lee embrasse pour son film, naît pourtant une foule d’idées et d’émotions. Une ambiance lourde, instantanément captivante. La puissance intrinsèque de BURNING repose en grande partie sur ce sentiment que, dans le trio que forment Haemi, Jong-su et Ben, quelque chose cloche. Impossible de savoir quoi, pourtant un malaise ronge chacune de leurs interactions, sans pour autant que Lee ne s’appesantisse sur le moindre signe extérieur de cette friction. Se méfier de l’eau qui dort, car BURNING cache un torrent de hargne, de colère frustrée – à l’image de Jong-su, interprété avec une puissance intériorisée par Yoo Ah-in face à un Steven Yeun formidable en arrogant aisé, souriant jusqu’à l’inconfort, ennuyé par le monde, se repaissant du complexe d’infériorité de ses interlocuteurs. Que l’on parle de hausse du chômage, des politiques d’immigration de Trump ou que Jong-su juge qu’il y a « trop de Gatsby en Corée », BURNING vit de confrontations qui n’explosent jamais, tout en offrant un portrait saisissant de la situation sociale coréenne, cocotte minute nourries aux conflits de classe et aux rapports hiérarchiques. Pourtant, bien que vital, cet arrière-plan ne s’impose jamais comme une fin en soi : le pouvoir d’attraction de BURNING, thriller psychologique intimiste, se révèle aussi au premier degré. De longs plans fixes en plans-séquences virtuoses, Lee Chang- dong tient BURNING dans la paume de sa main, et son spectateur avec. Il dilate le temps pour installer son ambiance ; use d’ellipses percutantes pour faire progresser son récit ; magnifie son Scope avec une lumière naturaliste, à peine stylisée, somptueuse. La précision de son écriture réside dans les pointillés, dans le mystère qu’il injecte. Un mystère omniprésent qui ne frustre ou ne floue jamais le spectateur, mais le nourrit et l’inclut. Mise en scène, écriture, dialogues, interprétation, musique: tout, dans BURNING, relève du minimalisme. Le génie de Lee Chang-dong est de parvenir à tirer autant de si peu, à étirer son film sans le distendre, à faire d’une histoire où « il ne se passe rien » un récit universel imprévisible. Une maîtrise de chaque instant qui a l’élégance de ne pas s’annoncer ni de s’autocélébrer mais, au contraire, de servir avant tout l’efficacité du récit et de personnages troubles à la complexité ensorcelante.

De Lee Chang-dong. Avec Steven Yeun, Yoo Ah-in, Jeon Jong-seo. Corée du Sud. 2h28. Sortie le 29 août

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