LE GRAND BAIN : chronique

23-10-2018 - 20:24 - Par

LE GRAND BAIN : chronique

Une surprenante comédie à l’anglaise réalisée par Gilles Lellouche. Inspirée dans le fond et la forme.

 

Le NARCO de Gilles Lellouche, en 2004, c’était quand même pas rien : il lançait les hostilités d’une certaine nouvelle scène française, qu’on a vu mûrir en direct puis vieillir. Mal vieillir, même, quand ils filment leurs vacances sur le bassin d’Arcachon (LES PETITS MOUCHOIRS, de Guillaume Canet) ou signent l’avènement de l’humour hétéro-pouêt-pouêt (LES INFIDÈLES, film à sketchs). On craignait que LE GRAND BAIN, dans lequel une poignée d’hommes soignent leur vie bancale par la natation synchronisée, soit prétexte à toutes les beauferies. Mais en ratissant au-delà de son cercle d’amis habituel, Lellouche laisse tomber l’humour connivent au profit d’une écriture plus rigoureuse. LE GRAND BAIN a ses défauts de scénario (deux personnages, incarnés par Alban Iva-nov et Balasingham Tamilchelvan, ne servent qu’à étoffer le groupe) mais il vibre de ses influences « comédie sociale à l’anglaise ». Canet en fils meurtri et père intransigeant, Poelvoorde en vendeur de piscines dans le déni de ses dettes, Philippe Katerine en gentil vieux garçon, Amalric en chômeur humilié par sa famille, Anglade en rock star ratée, mutualisent leurs talents, leurs physicalités, leurs humours, leurs univers très différents pour former un tout homogène, énergique, bon-enfant. Sans jamais virer au requiem pour les sacro-saints quadra blancs, Lellouche célèbre plutôt leur tendresse et dresse la carte des difficultés masculines, sociales ou amoureuses, dans un film touchant, sous forme de psychothérapie de groupe. Des scènes d’une grande justesse entre le personnage d’Anglade et sa fille, au rapport très contemporain, très égalitaire, qu’entretiennent celui d’Amalric et sa femme (Marina Foïs), LE GRAND BAIN n’est que bienveillance et délicatesse envers ses grands garçons. Il faut aussi reconnaître à Lellouche l’écriture très subtile du personnage de Virginie Efira, coach de l’équipe, personnage brisé, très sentimental, et celle de la suppléante en fauteuil roulant, campée par une Leïla Bekhti dont on admire le savoir-faire comique. Le film, généreux, a toujours une vanne fatale sous le coude, un bon mot (parfois un peu gênant) mais surtout, carbure au cinéma. Il y a une vraie et profonde envie de faire du beau. Lellouche travaille sa mise en scène et ses cadres avec une faim esthétique insatiable. Ce feel good movie roboratif se paie le plus beau des messages : « C’est pas si mal d’avoir un peu de succès. » Pour un film qui ambitionne de s’extraire de la médiocrité générale de la comédie hexagonale et tutoyer le haut du panier du cinéma français, c’est cohérent et sacrément malin. 

De Gilles Lellouche. Avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Virginie Efira. France. 1h50 

3Etoiles

 

 

 

 

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