LE RETOUR DE MARY POPPINS : chronique

15-12-2018 - 16:13 - Par

LE RETOUR DE MARY POPPINS : chronique

Retour de la célèbre nanny dans une fausse sucrerie vintage, bourrée de colorants criards, à l’arrière-goût vraiment douteux.

 

Mary Poppins est donc de retour. Pourquoi pas. Sur le papier, l’idée de raviver la célèbre gouvernante magique de P.L. Travers n’était pas une si mauvaise chose.  À l’heure où le cinéma se morfond dans le gris de notre époque tourmentée, remettre un peu de « morceau de sucre qui aide la médecine à couler »était plutôt un joli programme. Surtout qu’il faut se méfier de Poppins. Et ça, le film de 1964 l’avait bien prouvé. Ode dadaïste au n’importe quoi, le cultissime SuperCaliFragilli résume à lui seul la portée subversive d’un film joyeux, libre voire libertaire, en plein dans l’ère pop d’alors. Il ne manquait à Mary qu’une bonne coupe au bol pour rejoindre les Beatles.

Hélas pour nous, avec ce RETOUR, Mary a mal tourné. Fini le petit parfum rétro ludique de l’original, welcome la grosse artillerie vintage où le neuf patine dans le vieux. Ce RETOUR DE MARY POPPINS ressemble ainsi à ces nouveaux magasins de déco qui sentent bon le sous-bois de synthèse et l’enfance en spray. Tout est là pour vous donner l’illusion que c’est comme hier mais un peu comme aujourd’hui aussi. À commencer par le scénario. Suite ou remake ? Les deux, voyons ! Situé chronologiquement après le premier volet de 1964, le film voit le retour de Mary auprès des enfants Banks devenus adultes. Une suite donc. Mais Michael Banks (Ben Whishaw) confie ses enfants à Mary qui, auprès d’elle, vont partir dans des tas d’aventures incroyables. Un remake, donc. Ce postulat hybride de requel – à la fois remake et sequel, remake et suite – (disons « suimake » et faisons comme Mary, inventons des mots), ne peut pas fonctionner. Le film est obligé de dérouler le cahier des charges de l’original tout en étant contraint de réinventer chaque scène. Ainsi Mary n’apprend plus aux enfants à ranger leur chambre mais à prendre leur bain, on ne saute plus dans un dessin de Bert mais dans l’enluminure d’un vase cassé, les ramoneurs deviennent des éclaireurs de rue etc… Evidemment, à chaque scène on pense à l’original et on déchante. Logique et prévisible. En ne voulant prendre aucun risque (ni celui du pur remake, ni celui de la vraie suite), Disney infuse nos souvenirs en tisane mièvre sans saveur.

Ainsi, pourquoi être allé chercher Lin-Manuel Miranda, auteur de la comédie musicale hip-hop HAMILTON pour l’obliger à chanter le même type de chanson que dans l’original ? Coincé dans un flow suranné très old school Broadway, l’auteur-acteur semble mal à l’aise à l’écran, pas à sa place, comme si on l’avait engoncé dans le costume de Dick Van Dyke, trop petit pour lui. Aussi, on taira également la gêne face au numéro de Meryl Streep qui ferait passer ses grands écarts de MAMMA MIA pour des summums de sobriété stanislavskienne. Dommage car face à eux, Emily Blunt a le charme et l’ironie qu’il faut pour se glisser sans vulgarité dans les souliers de Julie Andrews.

Mais le pire c’est qu’au-delà de la réalisation morne de Rob Marshall qui écrase et aplanit tous les numéros sous le rouleau compresseur numérique, il y a quelque chose d’un peu rance derrière les ors de la fantaisie. Là où le premier volet faisait discrètement souffler un vent de subversion zinzin sur l’Angleterre corsetée avec des suffragettes combattives, des vieux loups de mer de quartier et des banquiers qui plaquent tout pour aller faire du cerf-volant, ce nouvel opus opte discrètement pour un vent contraire. Par petites touches, l’argent se retrouve au cœur du récit et finit par devenir la condition même de l’imaginaire (Même dans les rêves de cette Mary Poppins on paie un droit d’entrée au spectacle !!). On s’étonne, on se dit qu’on voit le mal partout jusqu’à une résolution frontalement capitaliste qui fait bondir de son siège. « Certes, l’argent ne fait pas le bonheur », nous dit le film, « mais il y contribue pas mal ! ». C’est peu dire que la pilule a du mal à passer. La débauche d’effets prends des allures de trompe-l’œil clinquant et on finit franchement agacé par ce film ersatz, ce MARY POPPINS version Canada Dry qui a tout misé sur l’apparence en oubliant le goût.

De Rob Marshall. Avec Emily Blunt, Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw, Emily Mortimer. États-Unis. 2h11. Sortie le 19 décembre

2Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.