L’EMPEREUR DE PARIS : chronique

19-12-2018 - 08:45 - Par

L’EMPEREUR DE PARIS : chronique

Une superproduction française dont la forme est sublime et le fond, éclairant. C’est finalement le scénario qui pèche par moments.

 

On nous le présente comme une légende, un crack de l’évasion, un phénix que tous convoitent et veulent faire tomber. Mais qui est donc ce Vidocq ? Le film veut répondre à la question (c’est une origin-story) et pourtant, le personnage possède déjà, dès l’introduction, une aura inexpliquée, qui nous échappe. Aurait-on raté un épisode ? Maladresse d’écriture, raccourcis malheureux ou volonté tenace de ne pas raconter l’homme par le menu… Il hurle à son innocence mais de quel méfait l’a-t-on accusé? Pourquoi la criminalité lui est-elle si répulsive? Son passé étant évoqué via des dialogues trop allusifs, Vidocq reste un mystère. Il existe mais de manière furtive, par insinuation. Et nous ne savons pas vraiment quel plaisir il tire à se ranger du côté de l’ordre après s’être tant épanoui dans l’illégalité. Il a la trentaine quand, à Paris, des années après s’être évadé du bagne de Toulon, il devient informateur contre une promesse de grâce de Fouché. Vincent Cassel a passé l’âge. Ce petit anachronisme n’empêche en rien Vidocq de se présenter à nous solide, magnétique, dur et romantique. Un vrai héros, de sa redingote à son haut-de-forme. La France n’a pas beaucoup de figures romanesques, avec des silhouettes et des faits d’armes « de cinéma ». Lui, qui deviendra chef de la sûreté en 1811 puis fondera la première agence de détectives privés, fait profondément partie de l’imaginaire français (il inspira Victor Hugo ou Gaston Leroux), au même titre que les personnages inventés Fantômas ou Arsène Lupin. Un pied dans le peuple de Paris, l’autre chez les gens de pouvoir, Vidocq raconte la France, de l’influence de la pègre aux guéguerres politiciennes, en passant par la grogne populaire et la misère. C’est ce qui intéresse Jean-François Richet, cinéaste du prolétariat : cet individu solitaire et insaisissable au service du pays. On a beau avoir peu prise sur Vidocq, on finit par l’aimer et d’autant plus quand l’intrigue se fait plus personnelle. Lorsqu’un ancien compagnon d’évasion vient hanter Paris de ses ambitions criminelles, le film décolle. Avant, il dépeignait notre héros comme une figure presque politique, avec une vision de la France hétéroclite et populaire – c’est fort mais peut-être insuffisant. Après, il prend des airs de polar ténébreux, une sorte de buddy movie où nos deux meilleurs acteurs (Cassel donc, et Denis Ménochet) vont régler leurs comptes aux bandits. L’EMPEREUR DE PARIS n’est alors jamais aussi beau, même si, bien sûr, il flatte l’œil. Reconstitution démente, photo sublime, mise en scène élégante : quand le cinéma français a de l’ambition, il est capable de grandes choses.

De Jean-François Richet. Avec Vincent Cassel, Denis Ménochet, Freya Mavor. France. 1h50. Sortie le 19 décembre

3Etoiles

 

 

 

 

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