DESTROYER : chronique

19-02-2019 - 11:44 - Par

DESTROYER : chronique

Karyn Kusama dirige Nicole Kidman dans un polar d’une noirceur terrible étouffé par la poussière de L.A.

 

Le maquillage qui transforme la sublime Nicole Kidman en Erin Bell, la flic de tous les plans de DESTROYER, n’est pas toujours réussi. Ça sent souvent la couche de fond de teint ratée et les cernes factices et selon la lumière, l’effet peut être désastreux. Les quelques premiers gros plans sortent subitement le spectateur du film. Ça ne dure qu’un temps ; quand l’intrigue s’installe, pesante et mystérieuse, cette faute technique, rarissime dans le cinéma américain avouons-le, est un détail qu’on finit par oublier. Elle participe même à l’humeur totalement dépressive du film. DESTROYER est maussade ; Erin Bell y trimballe sa carcasse dégingandée au gré des rues de Los Angeles à la recherche d’un fantôme du passé : Silas (Toby Kebbell). Ce braqueur sans foi ni loi, elle le connaît bien. Elle était infiltrée au sein de son gang, aux côtés de Chris, agent du FBI (Sebastian Stan). C’était avant que la vie ne la brise et fasse d’elle ce déchet qui picole trop et que plus personne ne prend au sérieux. Silas a réapparu à L.A., mobilisant chez Erin ses dernières forces : elle a un compte à régler, sans l’aide de sa hiérarchie ni de son partenaire. Qu’est-ce qui a poussé cette belle fille, plutôt bon flic, un peu idéaliste à devenir aussi violente avec elle-même qu’elle peut l’être avec les autres ? DESTROYER y répond, par étape, en regardant en arrière vers une mission qui a mal tourné. Du soleil cuisant le bitume et le sable d’un Los Angeles ultradangereux, au romanesque de la jeunesse criminelle en passant par un indéboulonnable romantisme, DESTROYER a un petit côté POINT BREAK ultra séduisant. Bien sûr, ce n’est pas le cinéma hyper nerveux de Kathryn Bigelow, quoique Karyn Kusama n’a pas à rougir des scènes de braquage qui jalonnent son film, ni de sa caméra alerte et véloce. Elle sait comme sa consœur créer le sentiment chronique de tragédie imminente. DESTROYER n’est pas un actioner, c’est un film sur la brèche, près de tomber, comme sa protagoniste, dans tous les excès. En cela, c’est une sublime étude de personnage, un personnage lugubre et impénétrable, entouré d’ex amis, d’ex mari (Scoot McNairy) d’une ancienne vie. Elle pourrait être une héroïne de Michael Connelly si les auteurs de romans policiers avaient le courage d’écrire des femmes pareilles, aussi toxiques, seules et débraillées. Emportée par un scénario à la fois habile et déchirant, Nicole Kidman compose un personnage fascinant, vitreux, très physique, pas loquace et ultra charismatique. Sa profonde douleur, son cafard et sa fureur tonitruent en sourdine pendant deux heures de cinéma ensorcelant. 

De Karyn Kusama. Avec Nicole Kidman, Sebastian Stan, Toby Kebbell. États-Unis. 2h03. Sortie le 20 février

4Etoiles

 

 

 

 

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