LES OISEAUX DE PASSAGE : chronique

09-04-2019 - 15:46 - Par

LES OISEAUX DE PASSAGE : chronique

Le retour du réalisateur colombien Ciro Guerra (L’ÉTREINTE DU SERPENT), en binôme, pour un film de cartels comme l’origin story du genre.

 

Cela fait une grosse douzaine d’années que Ciro Guerra réalise des films (LES VOYAGES DU VENT a même été sélectionné à Un Certain Regard en 2009), mais c’est probablement avec L’ÉTREINTE DU SERPENT (projeté à la Quinzaine des réalisateurs en 2015, avec l’acteur belge Jan Bijvoet en guide halluciné) que ce cinéaste colombien s’est fait réellement remarquer à l’échelle mondiale. Un noir & blanc somptueux, un récit à la langueur chamanique (sur une bonne durée de 2h04), une sélection (pas volée) pour concourir au titre de Meilleur film en langue étrangère aux Oscars… Ce film d’aventures aux confins de l’Amazonie est un choc pour quiconque ose s’y… aventurer. Trois ans plus tard, en 2018, Ciro Guerra était de retour à Cannes, toujours à la Quinzaine des réalisateurs, avec LES OISEAUX DE PAS- SAGE, coréalisé avec sa productrice Cristina Gallego. Est-ce un hasard, mais il est moins radical que sa précédente ÉTREINTE DU SERPENT, peut-être même – osons un gros mot – plus commercial. LES OISEAUX DE PASSAGE est le film de cartels quintessentiel, l’origin story de tous les BARRY SEAL, INFILTRATOR et autres Pablo-escobareries qui engraissent actuellement, et ont toujours engraissé, Hollywood. Le film relate comment, entre 1968 et 1980, une famille indigène Wayuu de Colombie s’enrichit dans le trafic de marijuana mais compromet la paix clanique de la région alors que l’argent de la drogue lui procure de plus en plus de pouvoir. Stratagèmes et règlements de comptes d’un côté, traditions et superstitions de l’autre : LES OISEAUX DE PASSAGE 
réussit le mariage du cinéma grand public et d’un cinéma plus contemplatif, plus stoïque, comme si un langage universel était venu s’immiscer dans l’art un peu raide de Guerra. Il y a toujours ces personnages au jeu impassible (voire apathique) et ces effusions de violence soudaines – des effets habituels, si ce n’est un cliché, du cinéma d’auteur sud-américain de festivals –, mais la lecture est limpide. LES OISEAUX DE PASSAGE détricote l’hégémonie colombienne sur le narcotrafic mondial avec un souci anthropologique captivant. Le cinéma de Guerra retrouve des couleurs, certes moins clinquantes que le noir & blanc de L’ÉTREINTE DU SERPENT, mais non moins superbes. Qu’ils filment des danses « nuptiales » ou l’assaut mortel sur une villa en plein désert, Ciro Guerra et Cristina Gallego placent toujours leur caméra à la bonne distance pour créer tour à tour la ferveur et l’horreur. Ce sens esthétique admirable, doublé d’un sujet foncièrement fascinant, permet au film d’être une réussite indéniable.

De Cristina Gallego et Ciro Guerra. 
Avec Carmiña Martínez, José Acosta, Jhon Narvaez. Colombie. 2h05. Sortie le 10 avril

4Etoiles

 

 

 

 

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