Cannes 2019 : CANCION SIN NOMBRE / Critique

16-05-2019 - 17:12 - Par

Cannes 2019 : CANCION SIN NOMBRE

De Melina León. Quinzaine des Réalisateurs.

 

Synopsis officiel : Pérou, au plus fort de la crise politique des années 80. Georgina attend son premier enfant. Sans ressources, elle répond à l’annonce d’une clinique qui propose des soins gratuits aux femmes enceintes. Mais après l’accouchement, on refuse de lui dire où est son bébé. Décidée à retrouver sa fille, elle sollicite l’aide du journaliste Pedro Campos qui accepte de mener l’enquête.

Le cinéma sud-américain de festivals, c’est un genre en soi, défini surtout par son statisme, voire son apathie. Pourtant, dans ce territoire codifié, certains films se détachent par la force de leur mise en scène ou la puissance de leur histoire. CANCIÓN SIN NOMBRE, tout en semblant mort à l’image, est éclatant de vie, à l’instar de cette femme brisée par l’enlèvement de son bébé mais toujours animée d’espoir, ou de ce pays qui ploie sous l’hyperinflation et les attaques des terroristes du Sentier Lumineux mais solidaire et vibrant de ses traditions. À l’écran, tout est fixe ou très lent, mais l’intérieur du cadre est d’une sophistication qui laisse étourdi. D’autant plus que le 4/3, format pour lequel a opté la réalisatrice Melina León, et le noir et blanc dense appellent un travail particulier dans la composition et la lumière. La désynchronisation du récit (qui se déroule dans les années 80) avec son esthétique n’est justifiée finalement que par le parti pris du chic et du choc. À moins qu’il faille y voir la traduction littérale des heures sombres d’un pays vivant au rythme des coupures de courant et revenu 50 ans en arrière… Peu importe, s’il fallait en passer par là pour raconter la tragédie sociale et humaine, alors c’est tout accepté.
Pérou, 1988. Georgina et son mari Leo vivent de la pomme de terre, dans ce pays qui voit l’inflation grimper à 1700% sous le mandat de Alan Garcia et où la moitié de la population est pauvre. Lorsqu’elle entend une publicité radiophonique pour une clinique gratuite, la jeune femme, enceinte, décide de s’y rendre pour accoucher. Mais elle ne verra jamais son enfant. Face à une justice qui détourne le regard, Georgina va se tourner vers la presse. Le journaliste Pedro Campos va s’occuper de l’affaire. Et Georgina, elle, ne cessera de marcher. Enceinte et en canard. Cassée et déterminée. CANCIÓN SIN NOMBRE est son chemin de croix, elle ne cesse de traverser ce cadre carré, de grimper des collines, de les dévaler, de fendre le brouillard, de pousser sa brouette, de monter des marches… Petit bout de femme toujours debout, qui ne se roule par terre que pour mieux taper du pied dans les portes. Alors que les attentats du Sentier Lumineux tapagent dans tout le pays, enrôlant particulièrement les paysans, la pauvreté fait des ravages insoupçonnés et brise des familles. Malgré une distance de prise de vue qui rend CANCIÓN SIN NOMBRE stoïque, Melina León parvient à faire un film charnel de personnages, animé par la colère et la solitude abyssale de ses deux héros, Georgina et Pedro. On est souvent sidéré par leur dignité, hébété par leur beauté et ébahi par l’intelligence par laquelle la réalisatrice reconstitue le climat de l’époque et les immédiates conséquences sur les individus. Formellement, d’aucuns penseraient que c’est scolaire quand c’est en fait élémentaire. Il y a une simplicité dans ce film qui le rend fondamental.

De Melina León. Avec Lidia Quipse, Lucio Rojas, Maykol Hernández. Pérou. 1h37. Prochainement

 

 

 

 

 

 

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