Cannes 2019 : LE JEUNE AHMED / Critique

20-05-2019 - 18:01 - Par

Cannes 2019 : LE JEUNE AHMED

De Luc et Jean-Pierre Dardenne.  Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : En Belgique, aujourd’hui, le destin du jeune Ahmed, 13 ans, pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie.

 

Le premier plan d’un film peut souvent faire office de note d’intention pour ce qui va suivre. Celui du JEUNE AHMED s’avère trompeur. S’ouvrant au beau milieu d’une action effectuée avec rapidité – un jeune garçon court dans des escaliers pour se rendre aux toilettes et envoyer un texto à son frère –, LE JEUNE AHMED pourrait laisser croire qu’il va se dérouler dans l’urgence. Pourtant, dès les plans suivants, les frères Dardenne prennent le parfait contrepied. Non, LE JEUNE AHMED ne sera pas un ROSETTA sur la radicalisation islamiste, mais un récit posé et retenu sur la manière dont un jeune garçon tente de trouver son chemin. Disciple d’un imam radical, Ahmed durcit jour après jour ses positions jusqu’à ce qu’il commette un acte isolé, qui le conduit en centre fermé pour mineurs. Là, il doit confronter son geste… La force des Dardenne semble être de pouvoir se saisir de tous les sujets, même les plus délicats, sans ne jamais déroger à la précision de leur cinéma. Le naturalisme de leur caméra observe les rituels, les regards et les larmes, la violence et l’inertie, toujours avec ce juste recul évitant la passion et le pathos, alors même qu’ils propulsent le spectateur au cœur du nœud dramatique dès les premières scènes, sans la moindre exposition. La précision de leur écriture donne la parole à une multitude de points de vue, barrière à tout simplisme et à toute généralisation – la scène de débat entre une professeure et des parents sur la manière dont leurs enfants doivent apprendre l’arabe est, à ce titre, admirable. Cette méticulosité, qui ne souffre d’aucun didactisme empesé, déconstruit alors les mécaniques de l’endoctrinement et notamment l’opposition constante entre sacré et profane. Une problématique qui trouve une parfaite résonance dans la manière dont les Dardenne n’ont de cesse de regarder l’existence de leurs personnages à travers un prisme quotidien – le travail, l’école etc. Certes, comme dans leur précédent long, UNE FILLE INCONNUE, ils étirent parfois inutilement certaines scènes et leur direction d’acteur étouffe parfois les émotions transmises par leur jeune interprète Idir Ben Addi, dans une apathie ado très marquée. Peut-être même peut-on regretter la scène finale qui peine à ménager son soupçon d’ironie (lorsque l’innocence de l’enfant reprend le dessus sur la piété) et sa franche empathie. Reste qu’en dépit de ces scories, LE JEUNE AHMED captive, notamment parce qu’il ne traite jamais son sujet comme un fait divers de société, aussi tragique et réel soit-il, mais comme un véritable drame humain.

De Luc et Jean-Pierre Dardenne. Avec Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akheddiou. Belgique. 1h24. Sortie le 22 mai

 

 

 

 

 

 

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