Cannes 2019 : LA BELLE ÉPOQUE / Critique

22-05-2019 - 08:10 - Par

Cannes 2019 : LA BELLE ÉPOQUE

De Nicolas Bedos. Sélection officielle, Hors compétition.

 

Synopsis officiel : Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où Antoine un brillant entrepreneur lui propose une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, cette entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour.

 

Parfois une bonne idée suffit. Une simple, une efficace – même une peu roublarde, si on veut – à laquelle on fait entièrement confiance et qu’on utilise, sans fard, sans trucs, juste pour le plaisir de la bonne idée. Il faut croire que ça ne suffit pas à Nicolas Bedos. Car, il y a au cœur de cette BELLE ÉPOQUE l’embryon d’un beau film, malin et mélancolique comme un Resnais à la sauce Ayckbourn (SMOKING, CŒURS). Le cinéma comme usine à fabriquer des souvenirs, le trouble de croire au simulacre et la possibilité, pourquoi pas, à travers l’art de se réinventer. Un dispositif méta et poétique fragile que l’auteur-réalisateur écrase par la lourdeur de son écriture et de sa mise en scène.

C’est comme s’il ne se faisait pas confiance, comme s’il voulait à tout prix maîtriser le verbe et l’image à grand coup de punchlines hors sujet (Une psychanalyste qui cite Freud, une flopée de phrases définitives sur la vie l’amour, les femmes etc…) et de petits effets superfétatoires. Surtout il double son histoire de reconquête amoureuse entre Daniel Auteuil et Fanny Ardant d’une seconde histoire entre un réalisateur tyran et son actrice (Guillaume Canet, Doria Tillier) qui ne construit aucun romanesque. Juste un énième renvoi thématique, vaguement méta et narcissique sur le vrai/faux amour alourdissant l’ensemble – qui ne réclamait que légèreté.

Le film hurle tellement à la sincérité, tellement à la poésie définitive sur le couple qu’il en devient extrêmement fabriqué. Pire encore, il ôte toute la tendresse qu’on pourrait avoir pour ce cinéma qui en fait trop en rajoutant cette couche méta, comme un garde-fou qui surligne justement le fait d’en faire trop. On a l’impression de voir un film qui fait tout le temps le malin en feignant la complicité, l’ironie connivente, le cool romantique, tout ça à grands renforts de gros mots, de bons mots et de traits d’esprits qui ne sont que des filtres pour tenir à distance l’émotion. Alors que Bedos aurait sans doute pu tout lâcher et laisser cette histoire d’amour par actrice interposée installer d’elle-même son humeur, sa délicatesse et sa mélancolie. Ne pas se planquer derrière des dispositifs à n’en plus finir mais oser la simplicité. Au fond, c’est le sujet du film : l’histoire d’un couple qui a perdu la meilleure façon de se parler. Et malheureusement, Bedos parle à leur place.

Dommage car il a entre ses mains d’excellents acteurs (Auteuil, Canet donnent du corps à la misanthropie un peu lourde du scénario) mais surtout de fabuleuses actrices. Fanny Ardant, radieuse et moderne, donne du chic et de l’épaisseur à un rôle mal écrit, très fonctionnel, vaguement caricatural. Mais surtout, il y a Doria Tillier. Elle est ce qu’il y a de mieux dans LA BELLE ÉPOQUE. Comme dans MR & MME ADELMAN, elle est toutes les femmes à la fois, quotidienne, iconique, triviale et sacrée. C’est elle qui réussit le mieux à maintenir le swing hésitant du film et à surmonter avec panache les petites affèteries d’écriture et de style du réalisateur. Pour elle, pour son élégance, il y a quelques beaux moments dans cette BELLE ÉPOQUE. Dommage que le reste ne soit pas à sa hauteur.

De Nicolas Bedos. Avec Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier. France. 1h50. Sortie le 6 novembre

 

 

 

 

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