Cannes 2019 : LE MIRACLE DU SAINT INCONNU / Critique

15-05-2019 - 14:00 - Par

Cannes 2019 : LE MIRACLE DU SAINT INCONNU

De Alaa Eddine Aljem. Semaine de la Critique, compétition.

 

Synopsis officiel : Au beau milieu du désert, Amine court. Sa fortune à la main, la police aux trousses, il enterre son butin dans une tombe bricolée à la va-vite. Lorsqu’il revient dix ans plus tard, l’aride colline est devenue un lieu de culte où les pèlerins se pressent pour adorer celui qui y serait enterré : le Saint Inconnu. Obligé de s’installer au village, Amine va devoir composer avec les habitants sans perdre de vue sa mission première : récupérer son argent.

Par sa galerie de personnages idiots ou acariâtres, LE MIRACLE DU SAINT INCONNU est comme un film des frères Coen qui aurait été revisité à la sauce marocaine. La poisse et la médiocrité y jouent un rôle déterminant. Le comique de répétition y est parfaitement maîtrisé. L’absurde guette chaque scène. C’est de toute façon le postulat : un voleur enterre son butin au sommet d’une colline et fabrique une fausse tombe pour boucher le trou afin de s’assurer que personne n’y touche. Peu après, il est arrêté. Quand il sort de prison, il retourne chercher l’argent mais des villageois y ont construit un mausolée à la gloire du « Saint Inconnu » enterré là et des petites maisons se sont bâties non loin, florissant sur cette attraction touristico-religieuse fabriquée de toute pièce. Le voleur s’installe en attendant de pouvoir profaner ce qui n’est pas une tombe. Au village, un médecin s’est installé pensant combler un cruel manque sanitaire mais le voilà à prescrire du paracétamol à des femmes qui s’ennuient. Le barbier choisit la qualité de mousse à raser en fonction de la célébrité locale de ses clients. Le gardien du tombeau traite son fils comme un chien et son chien comme son fils. Et un complice de notre brigand, incapable criminel, surjoue son propre film noir. Avec un sens du cadre comique qui fait mouche et un art du dialogue assassin, LE MIRACLE DU SAINT INCONNU ne serait qu’un petit crime movie rigolo et minimaliste s’il ne s’en prenait pas en même temps aux fausses croyances. En parallèle, et sans que l’on comprenne tout de suite pourquoi, le film rend constamment visite à l’ancien village, celui que tout le monde a fui pour aller prier le Saint Inconnu. Les richesses humaines et logistiques déplacées, le vieux village tombe en désuétude, aussi abandonné par les gens que le sol est délaissé par la pluie. Il n’a pas plu depuis 10 ans, le sol est aride, l’agriculture est devenue impossible. Quelque chose est en train de mourir et tous les yeux sont tournés vers une fausse relique. Plus qu’une comédie sur la crédulité, LE MIRACLE DU SAINT INCONNU est une fable, dont l’écriture est vouée à faire retomber l’amusant concept sur ses pieds et à boucler une démonstration par l’absurde. Il fallait se douter qu’il y aurait une moralité : avec ses contre-jours à la lumière de la Lune, comme des ombres chinoises, on avait cru reconnaître l’apanage visuel des livres de contes illustrés. Mais ce n’est pas parce que c’est enfantin, que ce n’est pas diablement malin.

De Alaa Eddine Aljem. Avec Younes Bouab, Salah Bensalah, Bouchaib Essamak. Maroc. 1h40. Prochainement

 

 

 

 

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