Cannes 2019 : FIRST LOVE / Critique

17-05-2019 - 14:01 - Par

Cannes 2019 : FIRST LOVE

De Takashi Miike. Quinzaine des Réalisateurs.

 

Synopsis officiel : Une nuit à Tokyo, nous suivons Leo, un jeune boxeur, qui rencontre son « premier amour », Monica, une callgirl toxicomane restée innocente. Leo ne sait pas grand-chose et Monica est involontairement impliquée dans un trafic de drogue. Toute la nuit, un policier corrompu, un yakuza, son ennemi juré et une tueuse envoyée par les triades chinoises, vont les poursuivre.

Takashi Miike est un cinéaste si prolifique (plus de cent films en trente ans) que la plupart de ses projets ne parvient jamais jusqu’à nous. Et pour ceux dont c’est le cas, de plus en plus rarement en salles, à l’instar de BLADE OF THE IMMORTAL, sorti uniquement sur Netflix. Alors les amateurs du réalisateur n’ont qu’une solution : profiter des festivals – ici, la sélection de FIRST LOVE à la Quinzaine des Réalisateurs – pour tenter de suivre le cours de sa toujours bouillonnante filmographie. À l’image de sa carrière, qui a papillonné de genre en genre, FIRST LOVE opère un cocktail jouissif d’univers et de tonalités variées. Leo, boxeur prometteur qui vient d’apprendre une terrible nouvelle, rencontre par hasard Monica, jeune femme prostituée de force. Il se retrouve embrigadé dans une course-poursuite durant laquelle il doit protéger Monica d’un flic ripoux, d’un malfrat prêt à tout pour trahir ses patrons, de parrains yakuzas et d’une tueuse des Triades. Écrit ainsi, FIRST LOVE sonne comme un joyeux bordel. Joyeux, il l’est. Bordel, loin de là, même si Miike déploie à nouveau une énergie dévastatrice à l’écran. FIRST LOVE embarque le spectateur dès ses premières secondes, fantasmatiques plans d’un boxeur à l’entraînement, sur une musique hybride au grand pouvoir d’évocation (guitare électro et didgeridoo !). Captant l’attention avec des images fortes où l’horreur et le grotesque ne sont jamais bien loin, Miike place patiemment ses dominos. Son héros est contrit, mutique, peu sociable. Son héroïne tragique et esseulée. Ses malfrats implacables. En dépit de saillies humoristiques dans la représentation de la violence ou du virilisme colérique d’un des yakuzas, Kaze – il faut le voir forcer ses cris pour se donner de la contenance –, FIRST LOVE se présente en premier lieu comme un thriller policier fondamentalement dramatique. Puis, une fois l’intrigue solidement construite et exposée, les dominos commencent à tomber… Miike, que l’on imagine jubiler derrière sa caméra, dresse alors le portrait d’une galerie d’incompétents, d’idiots et d’âmes avides, une galerie de clowns méprisables que seule la noblesse de cœur de Leo semble pouvoir contrecarrer. Un humour macabre de plus en plus déluré contamine le récit, poussant FIRST LOVE vers le portrait quasi parodique d’un Japon coincé entre modernité bâtarde et tradition perdue, en proie à l’incursion sur ses terres d’un ennemi ancestral – la Chine. « Ça devient n’importe quoi ! », hurle Kaze durant une poursuite fusillade effrénée. Mais non, on insiste : toujours pas. Car FIRST LOVE, même dans ses dérapages les plus fous, ne perd jamais de vue sa rigueur – on ne louera jamais assez la précision dont doit faire preuve le cinéma de Miike pour être aussi généreux et inventif. Car ce qui compte, « c’est la bienveillance » : avec les sentiments en ligne de mire, FIRST LOVE tient remarquablement sa ligne, chevaleresque et romantique. Un spectacle euphorisant qui sait aussi, pour son bien et celui de son public, baisser les armes et révéler son grand cœur.

De Takashi Miike. Avec Jun Murakami, Masataka Kubota, Nao Omori, Sakurako Konishi. Japon. 1h48. Prochainement

 

 

 

 

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