PIRANHAS : chronique

05-06-2019 - 08:56 - Par

PIRANHAS : chronique

En s’appuyant sur les enquêtes du journaliste Roberto Saviano, Claudio Giovannesi raconte la jeunesse criminelle de Naples.

 

On les appelle parfois les baby-gangs mais ce sobriquet qui prête à sourire désigne en fait la jeunesse de Naples qui veut éliminer les chefs de la Camorra et régner à leur place. Ces adolescents, déscolarisés, abandonnés par l’État, voient en la mafia leur seule perspective d’avenir, une manière de jouir de la société de consommation et d’accéder à des richesses que l’Italie leur refuse. Formulé autrement : pour ces enfants, mieux vaut être un parrain dans son quartier qu’un prolo dans son pays. Une relecture déformée de « Sa Majesté des mouches » ? Une version extravagante et excessive des QUATRE CENTS COUPS ? Non, tout est vrai, tiré des écrits du journaliste Roberto Saviano, dont l’enquête qui généra le long-métrage GOMORRA lui vaut d’être encore aujourd’hui une cible potentielle de la mafia – d’où une garde rapprochée partout où il se déplace. Pour justifier l’existence de son livre, Saviano parle du refus « d’admettre, malgré une violence inouïe, des arrestations, des homicides et des condamnations, que dans les ruelles de Naples, l’âge des affiliés aux clans de la Camorra avait considérablement baissé, que les vieilles familles du milieu avaient été marginalisées par de jeunes entrepreneurs du crime dont l’unique objectif était de gagner de l’argent, de prendre le pouvoir et de régner sur la ville. Et que pour y parvenir, ils étaient prêts à tout. » Voilà qui sont les « héros » de PIRANHAS : Nicolas, une quinzaine d’années, et ses copains, d’abord petites mains pour les pontes de la Camorra, puis rongés par leur ego, leur ambition et leur besoin d’exister, ceux qui vont convoiter l’existence et le pouvoir de leurs aînés. Leur notion puérile et toute relative du bien et du mal, leur méconnaissance ou leur mépris des codes qui régissent le système mafieux, font d’eux des garçons dangereux et insaisissables. C’est ce que capture magnifiquement Claudio Giovannesi : cette manière erratique de mimer l’âge adulte, cette adolescence régie par la passion, ce trop plein de sève qui s’exprime par la violence… Avec une forme ultra-réaliste qui rappelle forcément le GOMORRA de Matteo Garrone et en respectant de nombreux codes narratifs du film mafieux – la vraie originalité étant l’âge des protagonistes –, Giovannesi raconte l’extraordinaire destin de la ville de Naples. Celui d’une cité tragique exclue du monde – il n’y a pas de police, on meurt dans la rue, la musique qui raisonne est napolitaine et traditionnelle –, conquise par des soldats à peine pubères. La chronique d’un déclin moral qui met l’Italie, en étau entre l’héritage de Berlusconi et le règne de Matteo Salvini, face à ses responsabilités. 

De Claudio Giovannesi. Avec Francesco Di Napoli, Ar Tem, Alfredo Turitto. Italie. 1h45. Sortie le 5 juin

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