LES FAUSSAIRES DE MANHATTAN : chronique

30-07-2019 - 11:02 - Par

LES FAUSSAIRES DE MANHATTAN : chronique

Le véritable destin de Lee Israel, une biographe tombée du mauvais côté de la loi. Une histoire et des personnages captivants.

 

À grand talent, grande responsabilité. Quand les envies de Lee Israel ne correspondent plus aux exigences du marché du livre, son éditrice se détourne d’elle. Pour soigner son chat et gagner sa vie, Lee va donc mettre ses dons de biographe au service de la contrefaçon. Elle rédige de fausses lettres de vedettes décédées et les vend une fortune à des marchands d’art peu regardants, encouragée par l’un des rares amis qui lui restent, Jack, un dealer homosexuel. Ensemble, ces deux marginaux vont essayer de survivre dans un New York de codes et de réseaux et récupérer leur part du gâteau. On comprend pourquoi l’Académie des Oscars a nommé Melissa McCarthy et Richard E. Grant. Des rôles pareils ne courent pas les rues dans le cinéma américain actuel. Melissa McCarthy manie habilement son capital sympathie dans ce contre-emploi épatant de femme retorse, brisée par la solitude et qui cache derrière un caractère de chien un besoin déchirant de reconnaissance. Richard E. Grant (bien trop rare), lui, masque la solitude du célibataire vieillissant derrière de grands airs de dandy. Ils sont deux cabots, à l’intelligence hors norme, qui grognent et aboient dans un New York intello et maniéré. Eux arpentent les pubs aux comptoirs en bois massif, les librairies sans fenêtres, au son d’une trompette sublime… On sentirait presque le cuir, le papier et le froid de janvier depuis notre siège. Mais aussi la poussière et la crasse d’une vie de laisser-aller. Lee, personnage authentique et pittoresque, est aussi une dame triste qui colle souvent les larmes aux yeux. Tout le talent de Melissa McCarthy est de funambuler sur la corde de l’empathie. Tour à tour attachante et pathétique, elle trouve là le rôle le plus profond de sa carrière. Film d’arnaque enlevé et rigolo, LES FAUSSAIRES DE MANHATTAN sait être beaucoup plus grave sans jamais tomber dans le tire-larmes. Il parle de manière très juste de déception amoureuse, de trahison amicale, de déconvenue professionnelle et de survie intellectuelle. Critique en règle du milieu littéraire et analyse plutôt finaude du revers de l’intégrité artistique, le nouveau film de Marielle Heller (THE DIARY OF A TEENAGE GIRL) est aussi un manifeste pour des représentations féminines alternatives. Jamais ne voit-on des personnages de cinéma aussi semblables à la réalité – c’est un vœu de fidélité à l’histoire vraie que le film raconte mais aussi un geste politique fort. Lee s’octroie le droit d’être malpolie, grossière et pas souriante, et tant pis si la société attend autre chose d’une femme. Elle le paie cher, certes, mais elle l’a assumé toute sa vie. 

De Marielle Heller. Avec Melissa McCarthy, Richard E. Grant, Dolly Wells. États-Unis. 1h47. Sortie le 31 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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