MIDSOMMAR : chronique

30-07-2019 - 11:05 - Par

MIDSOMMAR : chronique

L’idylle et l’harmonie sont les deux mamelles de l’horreur chez Ari Aster. Qui impose un cinéma malade, morbide et d’une richesse colossale.

 

Alors même qu’à travers MIDSOMMAR, Ari Aster semble confesser une véritable méfiance envers la pureté et l’ordre, il a réalisé un film si millimétré, si maîtrisé qu’il s’en dégage de l’horreur immédiate. Une image légèrement cramée par le soleil, une dictature de la géométrie, une omniprésence des symboles, des regards qui s’échappent hors cadre interrogeant le silence, scrutant la nature sans limite, du blanc, du pâle, des fleurs jusqu’à l’angoisse. Des sourires, des câlins, des danses jusqu’à en devenir fou. Derrière cette plénitude organisée, les tarés de cette communauté regroupée pour le Midsommar (célébrations scandinaves du solstice d’été) ont un plan. Un plan de hippies dont nos quatre Américains qui débarquent en touristes n’ont même pas idée. Armé de son expérience dans le court-métrage, Ari Aster construit un prologue parfait, diabolique. Dani (Florence Pugh) est inquiète : sa sœur lui a envoyé un mail alarmant et ne répond plus. Elle tourne en rond et se ronge les sangs, et appelle son petit ami Christian (Jack Reynor) qui tente de la rassurer. Non seulement la séquence pose les jalons du drame à venir, mais elle établit l’un des thèmes centraux au film : la relation toxique qu’il lui impose. Et Dani ne sera pas la seule à pâtir de la nocivité de ce jeune « white male » à qui tout est dû. En une poignée de dialogues, quelques regards, autant de ricanements, des sons et des bruits viscéraux, Ari Aster annonce le retour au primitif qu’opèrera le film. Christian et trois copains, rejoints par Dani, plongée dans une détresse émotionnelle profonde et un peu embêtée de s’incruster, se rendent en Suède pour une célébration qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans. On y fête la nature, la vie, la mort. Ils sont des invités événements. Enivrés de calme, gavés de nourriture naturelle, de boissons mystérieuses, entourés de fresques qu’ils ne comprennent pas, ils vont trouver que ce camp de vacances a des accents sectaires. Ne sont-ils pas assez suédois pour comprendre ? Le film tapage de rites sorciers, des râles du gynécée qui enserre Dani, tout devient soudain sidération, transe et effroi. Le plein soleil rend ce cinéma encore plus noir et mortifère qu’HÉRÉDITÉ. Ari Aster organise sa petite communauté comme un grand manitou dément – inspiration principale, Lars von Trier, évidemment –, offre à Florence Pugh cette partition en état de choc, épuisée. Grande entreprise d’empowerment de la femme, insaisissable phénomène qui fait trembler la phallocratie, MIDSOMMAR, étrangement retiré du contemporain et pourtant pile poil dans l’époque, donne aux angoisses modernes un film à leur mesure.

D’Ari Aster. Avec Florence Pugh, Jack Reynor, Will Poulter. États-Unis. 2h20. Sortie le 31 juillet

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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