Interview : Stallone, Rambo et l’Amérique

28-09-2019 - 11:12 - Par

Interview : Stallone, Rambo et l’Amérique

Au milieu des années 2000, alors au creux de la vague, Sylvester Stallone a coup sur coup relancé Rocky Balboa et John Rambo pour deux films éponymes radicalement différents – l’un mélancolique, l’autre brutal – mais tous deux nourris par l’énergie du désespoir. Dix ans plus tard, après avoir participé au couronnement de Ryan Coogler avec CREED, il revêt à nouveau les oripeaux du vétéran du Vietnam pour RAMBO : LAST BLOOD. Retour, avec lui, sur la place qu’occupe le personnage dans la culture populaire.

 

Cet entretien a été publié au préalable dans le magazine Cinemateaser n°87, daté septembre 2019

 

En premier lieu, on entend une voix, reconnaissable entre toutes, provenant d’une pièce attenante. Avant même que Sylvester Stallone n’investisse le salon de cette suite d’un palace cannois où il reçoit Cinemateaser, il est déjà là, bien présent, charriant tout un univers. D’aucuns assurent que les années 2000 ont marqué la fin des stars, ces créatures mythologiques créées par le cinéma dont le seul nom suffit à susciter l’attention du public. Sylvester Stallone fait partie des survivants de cette caste rare de légendes. Pour deux ou trois générations de spectateurs, il représente plus que ses films ou leur qualité fluctuante. Fils d’un immigré italien, d’origine modeste, affublé dès la naissance d’une paralysie faciale : par nature un outsider qui, comme certains des plus grands, de Charlot à Bogie en passant par The Duke, finira affublé d’un diminutif – Sly –, comme s’il était un ami du quartier, un grand frère ou un oncle. Devenu vedette de cinéma à l’époque où les films, divertissements populaires en quasi monopoles, revêtaient encore une importance sacrée dans le quotidien, Sylvester Stallone, par la grâce de deux rôles fantasmatiques, le boxeur Rocky Balboa et le soldat John Rambo, s’est fait une place spéciale sur l’autel de la culture populaire. Celle d’un artiste multi-casquettes – il joue, bien sûr, pour révéler encore davantage de talent à l’écriture et à la réalisation – qui, au fil de ses années de gloire, parvint paradoxalement à symboliser avec les mêmes personnages le gars du peuple en quête de dignité (ROCKY, RAMBO) et la toute-puissance écrasante de l’Amérique reaganienne (ROCKY IV, RAMBO III). L’homme dont on attend qu’il nous représente et le surhomme dont on sait que les capacités surpassent tout ce dont on ne sera jamais capable.

Un grand écart comme un dérapage, observé avec tendresse ou humour aujourd’hui. Peut-être parce que Sylvester Stallone, qui au milieu des 80’s arborait une musculature de statue indéboulonnable, a connu des années 90 bien moins fastueuses. Il s’essaie maladroitement à la comédie avec L’EMBROUILLE EST DANS LE SAC et ARRÊTE OU MA MÈRE VA TIRER !. Aligne des actioners de qualités inégales, des joyeux DEMOLITION MAN et CLIFFHANGER aux horribles JUDGE DREDD et L’EXPERT. Pire, on lui refuse le droit d’évoluer, comme avec le superbe COPLAND de James Mangold, drame policier crépusculaire et néo-western dont les faibles recettes scellent le sort de ses huit années suivantes, durant lesquelles l’industrie ne veut plus de lui, l’acculant à divers navets – DRIVEN, COMPTE À REBOURS MORTEL, TAXI 3. Après ces huit ans de très vaches maigres, il refuse d’abdiquer et se relance en ressuscitant son alter ego, son frère comme il le nomme, dans l’humble et bouleversant ROCKY BALBOA, qu’il écrit et réalise.

Entendre la voix de Sylvester Stallone dans la pièce à côté, alors qu’il se dirige tranquillement dans celle où on l’attend, suffit à raviver tous ces souvenirs, comme autant de jalons d’une cinéphilie. Lorsqu’il entre, trimballant ce corps qu’il a façonné en pure icône de cinéma, débarquent quatre décennies de films sans que jamais il ne s’en serve comme d’un poids paralysant son interlocuteur. Sans aucun doute sait-il tout ce qu’il représente pour ceux qui l’interrogent. Mais jamais son aura ne viendra s’interposer dans une discussion dénuée de tout cérémonial. En ce jour de mai 2019, dans la suite d’un palace cannois, à quelques heures d’un hommage que va lui rendre le plus grand festival du monde, Sylvester Stallone est là pour discuter de l’un de ses deux rôles emblématiques : John Rambo.

Né sur papier sous la plume de David Morrell, le vétéran du Vietnam trouve le chemin des écrans en 1982 et, en héritier d’un Nouvel Hollywood typiquement 70’s, explore les traumas d’une Amérique défaite. Un personnage comme les affectionne Stallone, dissimulant son humanité derrière la brutalité. Trente-sept ans après le premier volet, Rambo revient aujourd’hui sur les écrans : passé un retour dans la jungle vietnamienne (RAMBO II, 1985), un détour cartoonesque en Afghanistan (RAMBO III, 1988), une rédemption über-sanglante en Birmanie (JOHN RAMBO, 2008), le soldat tente de refaire sa vie chez lui, aux États-Unis, avant qu’une disparition dans son entourage le mène à croiser le fer avec les cartels. LAST BLOOD, qu’il a co-écrit mais, qu’à la différence du précédent, il ne réalise pas, laissant ce soin à Adrian Grunberg (KILL THE GRINGO), marque-t-il la fin cinématographique de John Rambo ? Qui sait ? Sylvester Stallone n’aime rien tant qu’explorer au long cours ses héros. En parallèle des CREED, il envisage ainsi un septième ROCKY, où l’Étalon Italien prendrait sous son aile un combattant des rues immigré, vivant illégalement aux États-Unis. Et si l’une des plus belles qualités de Sylvester Stallone était, au final, d’essayer le plus souvent d’être en phase avec son époque, le monde qui l’entoure et ses transformations ? Du symbole qu’a véhiculé John Rambo au fil des films à la place du personnage dans le panthéon des (anti)héros américains, on explore avec Sylvester Stallone quarante ans d’un personnage aussi iconique qu’hanté par ses démons et ceux de son pays.

 

Pourquoi faire revenir John Rambo aujourd’hui ?

Sylvester Stallone : Il y a longtemps, lorsque j’ai fait le premier ROCKY, je m’étais fait cette réflexion… Au cinéma, on pense parfois que la vie d’une personne peut se résumer à deux heures de film. Mais à l’époque, je m’étais dit que ce n’est pas du tout comme ça que fonctionne
la vie. Très souvent, on se dit que notre existence est parfaite et on reçoit un coup de fil
qui nous apprend que notre mère est malade,
par exemple. D’un coup, tout bascule. Sur les RAMBO, tout comme sur les ROCKY, se joue l’influence d’une ancienne tradition venant
de la télévision américaine. Une série peut durer dix ans et les gens continuent de regarder, d’aimer les personnages après toutes ces années. SEINFELD, LES SOPRANO… Ça pourrait durer encore dix ans de plus ! Au cinéma, il y a cette sorte d’arrogance qui consiste à dire ‘ça dure deux heures et on en
a fini’. Ce caractère fini fonctionne pour certains personnages, évidemment. Mais d’autres s’accompagnent d’une mythologie. À mes yeux, le cinéma est la mythologie moderne et des personnages comme Rambo 
ou Rocky peuvent, au fil des ans, continuer à représenter différents trajets de vie – comme
 le décrivait Joseph Campbell. C’est exactement ce que j’ai toujours essayé de faire. John est rentré chez lui à la fin de JOHN RAMBO. Mais je me suis fait cette réflexion :
‘Il est rentré à la maison mais il n’est jamais vraiment arrivé.’ Tous les soldats, après une mobilisation disent : ‘Je rentre à la maison.’ En fait, non. Ils ne rentrent pas à la maison. Car pour eux, la maison n’existe plus. Je trouvais que là-dedans, il y avait un film ! Alors dans LAST BLOOD, Rambo a un syndrome de stress post-traumatique. Il essaie de survivre et il sait que dès qu’il sort de son ranch, il n’a de contrôle sur rien. Car en fait, personne n’a de contrôle sur rien ! Il sait qu’en dehors de son ranch, il subira diverses pressions. Alors quand une personne de son entourage disparaît et qu’il doit quitter cette zone de sécurité qu’est son ranch, il sait que de mauvaises choses vont se produire.

John Rambo a toujours été un anti-héros, il s’est toujours départi de la lignée classique du héros américain…
Oui.

Mais les premières images de LAST BLOOD vous montrent avec un chapeau de cowboy, sur un cheval. Est-ce une manière de replacer Rambo dans cette lignée ou de l’y confronter, voire de subvertir le héros classique ?
Pour moi ça démontre que John essaie de s’incorporer à un certain style de vie, celui de l’Américain fort et taciturne. Je n’ai jamais vu John comme un personnage urbain – il faut se rappeler que ses origines sont à moitié allemandes et à moitié amérindiennes. Pendant un temps je voulais même que John vive dans une réserve au début de LAST BLOOD. Puis je me suis ravisé. Ce sera peut-être pour le prochain ! (Rires.) Mais il n’empêche… J’ai voulu bousculer un peu le personnage. Ses cheveux sont courts, par exemple. Il fait tout pour devenir moins sauvage, en un sens. Et puis vous savez, en leur for intérieur, les RAMBO sont des westerns. Un peu comme COPLAND – j’en avais discuté avec James Mangold, d’ailleurs. Alors cette fois, j’ai souhaité essayer de construire une interprétation un peu différente du personnage, quitte à ce qu’elle déplaise. Quelque chose qui renvoie à John Wayne ou Clint Eastwood, qui l’identifie à une image très iconique. Mais dans le même temps, en lui-même, il reste très moderne : il a des problèmes. Il est politiquement traumatisé.

Pensez-vous que John Rambo représente quelque chose de très particulier dans la culture populaire américaine ?
À 100%.

Quoi, selon vous ?
C’est intéressant parce que j’étais le onzième choix [de la production] pour ce rôle ! Personne ne voulait jouer ce personnage. Et je n’ai pas compris pourquoi à l’époque. Je trouvais le script très bon alors je ne saisissais pas pourquoi tout le monde refusait ce rôle. Et en fait, c’est parce que John Rambo, pour résumer, déclare la guerre à ses parents. À savoir l’Amérique : elle est à la fois sa mère et son père et désormais, ils le rejettent. C’est fascinant ! Alors ce que John Rambo représente… Plus que tout… Pour beaucoup de militaires américains, la question qui revient souvent est : ‘Est-ce que ça valait la peine ? Qu’est-ce que j’ai accompli ? Est-ce que j’ai permis de changer les choses ?’ Dans le dernier volet j’ai enlevé un discours de John que le studio trouvait trop long – alors que tout le film était dans ce discours, mais bon… Il y disait : ‘La guerre. Un feu commence. On l’éteint, un autre débute. De vieux hommes en sont responsables et de jeunes hommes le combattent. (Il élève peu à peu la voix phrase après phrase, de plus en plus en colère, ndlr) Au milieu, tout le monde meurt. Mais on continue, encore et encore et encore. J’ai grandi toute ma vie baigné dans le sang jusqu’à la taille. Rentre chez toi. Moi, j’ai gâché ma vie, ne gâche pas la tienne.’ John sait que la guerre est futile. Mais elle est naturelle, dans son esprit. Il ne pense pas que la paix soit possible. C’est triste. Il en a trop vu… Il y a un projet que je mourrais d’envie de concrétiser : une série télé, pour le câble, sur un John Rambo âgé de 16 ou 17 ans. Ça se déroulerait au lycée et on verrait qu’il est un bon vivant (en français dans le texte, ndlr). C’est un athlète, un beau gosse, les filles l’adorent. Il est le délégué de sa classe. Il serait l’antithèse complète de ce que moi j’interprète. Je suis le Rambo bousillé. Je voulais montrer son trajet, son passage au Vietnam, comment ça a brisé son âme. Puis lorsqu’il revient, l’Amérique ne veut pas entendre parler de lui. Elle lui dit qu’il l’a laissée tomber. Alors qu’il pense juste avoir fait ce que l’Amérique lui a demandé de faire. Tout ça me rappelle À L’EST D’EDEN (d’Elia Kazan, adapté du livre éponyme de John Steinbeck, ndlr), lorsque le père refuse l’argent que lui offre son fils et l’accuse d’être un profiteur de guerre.

En ce sens, diriez-vous que l’état du monde a toujours influencé l’écriture des RAMBO ?

Oui. En tout cas, j’ai essayé. C’est intéressant que vous parliez de ça parce que, tous les RAMBO sont authentiques mais ils ont tous été influencés également par le monde, que ce soit la situation en Afghanistan (RAMBO III, ndlr), celle des prisonniers de guerre (RAMBO II, ndlr), celle en Birmanie (JOHN RAMBO, ndlr), et maintenant les cartels mexicains dans LAST BLOOD. Tous ces films ont donc un peu un pied dans la réalité, en quelque sorte. Alors que les ROCKY sont fermement ancrés dans la fantaisie, avec des personnages totalement inventés, comme Clubber Lang. Mais pour RAMBO… Les militaires s’identifient à ces films, même s’il s’agit de fictions. Alors il faut faire attention car on traite de la vie des gens. Par exemple, concernant le syndrome de stress post-traumatique dans LAST BLOOD, jusqu’où aller ? Est-ce que je montre un homme absolument sans défense, qui devient complètement fou ? Ou est-ce que je montre un homme qui
se demande s’il peut vivre sans tuer ? Lorsque cette fille de son entourage disparaît, il réalise qu’il ne veut pas être sain d’esprit. Il réalise qu’il veut être fou, il veut que son syndrome fasse effet pour qu’il puisse devenir… sauvage. Il n’en a plus rien à faire. C’est un peu étrange. Mais c’est la guerre. Et la guerre est insensée.

RAMBO s’inscrivait dans la lignée d’un cinéma des années 70 en partie réaliste et politique. Les deux premières suites étaient sans doute vues comme…
(Il interrompt)Oh je sais ! (Rires.)Le premier et le quatrième sont les meilleurs, pour moi. Dans RAMBO II je me suis retrouvé enfermé dans une sorte de fantaisie mythique, avec le torse nu, l’arc, les flèches. Je suis vraiment allé à fond dans ‘le cinéma’, si vous voyez ce que je veux dire. Une totale fantaisie. C’était un peu ridicule. En revanche, ce dont parlait le film, à savoir la situation des prisonniers de guerre, était complètement réelle à l’époque. Puis sur RAMBO III, je m’étais dit que ça allait être intéressant car l’Afghanistan était le Vietnam de la Russie. Bon… ça n’a pas fonctionné ! (Rires.)Mais les intentions étaient honorables : je voulais montrer que chaque puissance militaire a son Vietnam, sa chute. Ça se répète au fil du temps. On a beau savoir que ça arrive, ces pays ne le voient pas, ne le reconnaissent pas.

Pensez-vous que la jeune génération appréhende mieux le fait que RAMBO, comme ROCKY, était un film d’auteur ?
Si je prends l’exemple de mes enfants, je ne pense pas : ils ne saisissent pas le concept de l’auteur. C’est très spécial, comme concept. Ça remonte à Truffaut et toute cette génération. Les auteurs sont de plus en plus rares de nos jours. Aujourd’hui, les films sont issus de corporations et faits par d’énormes équipes – regardez la durée des génériques : ils sont tellement longs, putain ! Cinq minutes de générique de fin, sérieusement !? Sur ROCKY, on devait avoir 30 secondes de générique et basta. (Rires.)Pas d’effets spéciaux, rien. Maquillage. Coiffure. OK, au revoir. Donc non, les jeunes ne saisissent pas ce concept d’auteur, je crois. En revanche, les jeunes et plus particulièrement les jeunes hommes, sont fascinés par la violence. L’ultra violence. Or, la violence dans les RAMBO, même si je sais qu’elle répugne certaines personnes, n’a pas pour but d’être cinématographique. Dans la vraie violence, on perd des bouts de soi. C’est terrifiant et horrible. Alors quand Rambo pète les plombs, on s’attend à voir quelque chose de sauvage. Quelque chose qui, je crois, était prévalent au Moyen Âge, par exemple. C’est ce qui sépare un film comme LAST BLOOD des productions censurées PG-13 : avec un RAMBO, on sait que l’on va voir quelque chose de sombre.

[Le critique américain] Roger Ebert avait dit du premier RAMBO que votre présence à l’écran permettait au public d’y croire, même si le film n’était pas plausible.
(Rires.)

Êtes-vous conscient de ce pouvoir ?
C’est une bonne question… Je ne pense pas être le seul acteur à l’avoir. Regardez Arnold (Schwarzenegger, ndlr)! Il rentre dans une pièce avec son arme, il ne vise même pas et il fait mouche à chaque fois. Les autres en face, même si ce sont des pros, le ratent. S’il se bat avec un mec, en un coup son adversaire tombe. Moi, dans mes films, je me fais constamment tabasser. On me coupe, on me torture, on me frappe ! On a chacun notre style. Mais on croit à ce que fait Arnold. Comme on croit à Bruce (Willis, ndlr)ou à Jason Statham.

Mais avez-vous un contrôle sur ce pouvoir ?

Eh bien… c’est presque quelque chose que le public attend de vous. Il attend de vous d’être spécial. Il ne veut pas vous voir combattre un seul type. Ce serait trop facile. Je crois que seuls certains acteurs peuvent le faire. Si d’autres le font, on se dit que ce n’est pas crédible. Mais pour moi et pour d’autres, pour une raison ou pour une autre, le public a accepté de nous voir accomplir des exploits surhumains. Regardez The Rock. Il ne peut pas se battre contre un seul homme : il doit affronter 800 types. Et un éléphant en prime. (Rires.)

Ryan Coogler s’est saisi de l’héritage de ROCKY de manière très personnelle pour CREED. Trouvez-vous ça étrange ou triste qu’aucun jeune cinéaste ne l’ait vraiment fait avec RAMBO ?
C’est intéressant. (Il réfléchit)Oui, en un sens. Vous avez raison. Mais ça ne me contrarie pas. Parce que… Voilà la vérité, et elle est très égotique : je ne sais pas si on accepterait de voir un autre Rambo [que moi]. On est parfois venu me voir avec cette idée d’un fils de John Rambo. Et j’ai toujours répondu que, historiquement, au cinéma, ‘le fils de’ n’a jamais rien donné de bon. LE FILS DE GODZILLA, LE FILS DE TARZAN, LE FILS DE KING KONG, BUTCH CASSIDY LE PREQUEL ! Je n’ai pas raison franchement ? Ça ne marche JAMAIS ! À la limite, tuez Rambo et débutez autre chose. Ecrivez un autre personnage. N’importe quoi d’autre. Mais pas Rambo. C’est comme Arnold et le Terminator. Un jour j’ai demandé à Arnold pourquoi le Terminator avait des cheveux gris. C’est un robot ! (Rires.)‘Tu sais, c’est un robot très réaliste. C’est la même chose que Rambo, je vieillis.’ (Rires.)‘Mais mon aspirateur ne devient pas chauve, Arnold ! C’est une machine !’ Ça l’a fait marrer. Bref : l’âge est un problème pour les héros de cinéma… Rambo n’est plus ce qu’il était. Ça, Clint (Eastwood, ndlr)l’a exploré en premier dans IMPITOYABLE. Rambo n’est plus ce qu’il était, donc il agit un peu différemment. Et il fait de grosses erreurs. Quand on me disait : ‘Rambo ne ferait pas ça’, je répondais ‘Non, mais un homme plus vieux, oui.’

Avez-vous trouvé ça difficile de le faire vieillir ?

Oh oui ! Parce qu’il y a une résistance. On me dit : ‘Vous avez l’air plus vieux !’. Eh bien oui, c’est ce qui arrive avec le temps, oui… C’est difficile. Et c’est risqué, aussi. Mais je crois que si vous n’exagérez pas… Il y a une limite dans ce que je peux faire à l’écran et il ne faut pas la franchir sinon le public se dira : ‘Ça suffit.’ Alors il faut jouer la douleur, le manque de souffle. Il faut embrasser l’âge du personnage. Ses infirmités. (Rires.)

Vous avez commencé à écrire vos scripts pour vous créer des opportunités d’acteur…

Oui.

Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Ou continuez-vous à écrire uniquement pour protéger votre leg ?

J’aime écrire. Mais j’ai parfois fait des erreurs. Par exemple, sur CREED II… On a fait cette réunion avec Michael B. Jordan, le réalisateur (Steven Caple Jr., ndlr), le studio etc. Je leur expose mon idée de faire combattre Adonis contre le fils de Drago. Je voulais que ça parle des péchés de leurs pères. Je trouvais ça fantastique : Apollo a été tué par Drago alors c’était une idée très shakespearienne. Puis après l’avoir exposée, je n’ai pas eu forcément envie d’écrire le script. Alors ils ont engagé un autre scénariste. Et le résultat était horrible. Rocky se trouvait une petite amie professeure de yoga et ils partaient en vacances en Toscane. ‘Qu’est-ce que c’est que cette merde ?’ Alors j’ai fini par l’écrire. Mais quelqu’un d’autre s’est retrouvé crédité pour l’histoire du film. ‘Quoi ?’ Quand vous voyez un film co-écrit, la plupart du temps, 99,5% du script a été modifié mais, en raison des règles des syndicats, [tout le monde est crédité]. Parfois, il y a neuf scénaristes nommés mais soyez sûr que rien ne reste de la première version. C’est très frustrant. Tout ça pour dire que parfois, c’est plus simple d’écrire soi-même. Pourtant, écrire c’est très dur. Horrible. Pour moi, c’est la discipline la plus difficile et la plus précise. En peinture, vous pouvez jeter des trucs sur la toile, coller des cheveux, peu importe : tout est possible, même les trucs les plus fous. Mais l’écriture, non. L’écriture, c’est l’écriture. Et c’est usant ! (Rires.)Quand j’écris, j’ai l’air d’avoir 100 ans de plus. Ça aspire toute mon énergie. Mais dans le même temps, c’est incroyable. Là, je sors d’une période un peu paresseuse et je recommence à écrire un peu plus. C’est un sacrifice. Quand on débute, on a environ 20 ans durant lesquels ça coule presque naturellement. Mais après ça, c’est une plaie ! (Rires.)Regardez Francis Coppola : ‘Est-ce que je préfère boire du vin ou m’enfermer seul dans une pièce sombre pour écrire ?’ (Rires.)

 

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