QUEENS : chronique

15-10-2019 - 17:34 - Par

QUEENS : chronique

Des stripteaseuses menées par J-Lo arnaquent les loups de Wall Street – une histoire vraie, contée avec énergie et un vrai regard.

 

On l’avoue, légèrement honteux : le critique de cinéma peut avoir des préjugés. Dire que l’on n’attendait pas grand-chose a priori d’un « film de stripteaseuses vengeresses » mené par Jennifer Lopez, vendu en partie sur des caméos de chanteuses (Cardi B et Lizzo), relève malheureusement de l’euphémisme. « Malheureusement » parce que QUEENS vaut bien plus que ces petites idées reçues et ces piètres qualificatifs. Le film propose un réel regard sur son histoire, son sujet, ses personnages et, ce faisant, rappelle que le point de vue d’une femme sur d’autres femmes n’a guère à voir avec celui d’un homme. D’autant plus quand il s’agit de traiter un univers d’hyper sexualisation. 2007. Stripteaseuse, Destiny (Constance Wu) intègre un club huppé de Manhattan visité par les hommes les plus riches de Wall Street. Elle y fait la connaissance de la star des lieux, Ramona (Jennifer Lopez, stellaire) et se lie d’amitié. Un an plus tard, la crise des subprimes frappe et tout s’effondre. Destiny et ses collègues décident de faire payer leurs anciens clients et montent une arnaque bien huilée… Inspiré de faits réels relatés dans un article de Jessica Pressler paru dans le New York Magazine, QUEENS ne brille pas vraiment par son intrigue, haletante, mais attendue. Alors, en dépit de certains passages obligés et classiques du ‘rise and fall’, QUEENS se démarque surtout pour son point de vue et pour le traitement de ses personnages. Officiant à l’écriture et à la réalisation, Lorene Scafaria effectue un travail pertinent de caractérisation – la première apparition de Ramona est à ce titre exemplaire – et d’esthétisation. Caméra énergique, remarquable mise en scène du son : la cinéaste soigne l’écrin qu’elle offre à ces femmes de tous les horizons, posant sur elles des yeux complices, compréhensifs, capables de capturer leurs corps et souligner leur sensualité exacerbée sans jamais tomber dans l’objectification. Cette ligne de démarcation subtile permet à QUEENS d’élever ses protagonistes au rang d’héroïnes : refusant d’être tragiques, elles combattent le déterminisme (ici autant de classe que de genre) comme le feraient des hommes dans des films de mafieux. En creux se dessine aussi un joli portrait de la sororité qui, s’il n’a pas la nature triste et déchirante de celui des VEUVES, a le mérite de proposer un autre paradigme de représentation des interactions féminines, ici jamais définies par la moindre rivalité crasse. Un divertissement d’une très grande efficacité, qui a aussi du cœur et de la substance. Bien loin du « film de stripteaseuses vengeresses » lambda, donc.

De Lorene Scafaria. Avec Constance Wu, Jennifer Lopez, Lili Reinhart. États-Unis. 1h47. Sortie le 16 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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