MATTHIAS & MAXIME : chronique

15-10-2019 - 17:37 - Par

MATTHIAS & MAXIME : chronique

Film de potes qui fait le pari de la délicatesse, MATTHIAS & MAXIME a pourtant en son sein les ardeurs folles des précédentes oeuvres de Xavier Dolan.

 

Avec MATTHIAS & MAXIME, Xavier Dolan raconte le désir fou d’envoyer tout en l’air qui étreint deux amis juste après un vrai / faux baiser. Mais là où d’ordinaire le film aurait épousé de manière opératique et grandiloquente les élans du cœur et de l’âme de ses héros, le film réduit la tornade à une interrogation : est-ce qu’on a le droit de « tout envoyer en l’air » ? Dolan filme le sur-moi d’une génération, la sienne, tiraillée entre des modèles anciens et des désirs nouveaux. Prisonniers de leurs vies, des schémas sociaux, les deux garçons ont pourtant bien conscience que quelque chose ne fonctionne pas. D’un côté, les aînés – défaillants, envahissants, ricanant – de l’autre une nouvelle génération – libre, ironique, trop sûre d’elle – et au milieu, eux. C’est ce sentiment de flottement que saisit avec précision un film qui regarde ses deux héros vaciller. Dans des cadres serrés, il montre la bande d’amis comme un refuge, une famille de substitution mais aussi une menace, un étau qui pourrait bien n’être qu’une illusion. Si le film surchauffe à l’énergie des dialogues, c’est pour mieux créer ensuite le silence entre Matthias et Maxime. Le monde s’agite autour mais il devient comme un bruit, lointain. Car, derrière ce baiser anodin, c’est la possibilité d’une autre vie qui étreint les deux personnages. Intelligemment, Dolan les sépare très vite à l’écran et laisse planer le doute. Si Dolan ne bascule pas dans son flamboiement habituel, c’est qu’il filme l’avant. La fraction de seconde suspendue où tout est possible, le pas hésitant et décisif qui peut tout changer. Plus qu’un film d’amour, MATTHIAS & MAXIME se demande si l’autre peut nous sauver. Frère, ami ou amant. Les amateurs de ses envolées lyriques seront peut-être un peu frustrés. Il ne leur offre que les miettes du grand mélo attendu. Pourtant, cette délicatesse est passionnante, remuante parce qu’elle fait effet à retardement et repositionne le mélodrame à l’aune de nos vies quotidiennes. La douceur avec laquelle il regarde ses personnages, la tendresse avec laquelle il accompagne leurs doutes, frappe petit à petit. Au lieu de nous renverser par des histoires de cinéma plus grandes que tout, ici Dolan cherche la proximité, l’émotion miroir qui fait de nous des Matthias et des Maxime. Le film est comme une ballade, émouvante, maîtrisée. Nous sommes ici dans l’anti-chambre de son cinéma, juste avant le déluge. On regarde avec ces personnages le ciel en se demandant si l’orage attendu les noiera ou les lavera de tout. Le dernier plan, suspendu, donne une magnifique réponse qui tient en un regard.

De Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Gabriel D’Almeida Freitas. Canada. 1h59. Sortie le 16 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.