DOCTOR SLEEP : chronique

30-10-2019 - 09:21 - Par

DOCTOR SLEEP : chronique

Mike Flanagan honore ses écrasants tuteurs – King et Kubrick – tout en réussissant l’exploit d’insuffler toute sa personnalité à ce DOCTOR SLEEP. D’une grande maîtrise.

 

Un an après sa série Netflix THE HAUNTING OF HILL HOUSE, Mike Flanagan revient au cinéma pour son projet le plus ambitieux à ce jour : l’adaptation du roman de Stephen King « Docteur Sleep », suite du best-seller « Shining ». Devenu adulte, Danny Torrance a sombré comme son père dans l’alcool. Décidé à vaincre ses démons, il finit employé d’une clinique où il aide des patients à mourir. Dans le même temps, une caste d’immortels s’intéresse à une jeune fille, Abra, qui entre en contact télépathique avec Danny… Avec DOCTOR SLEEP, un défi à deux têtes attendait Flanagan : adapter le livre de King et donner suite au SHINING de Kubrick – qui s’éloignait énormément du roman éponyme. D’aucuns auraient fait le choix entre la déférence et la désinvolture. Flanagan, lui, opte pour la meilleure des solutions: faire de DOCTOR SLEEP un film personnel, une suite logique de tout ce que son cinéma a bâti depuis des années, à savoir une exploration du temps qui passe et du travail de deuil. Également scénariste, il prend tout son temps. Certains lui reprocheront sans doute la durée du film (2h32), plus long que SHINING. Mais jamais n’apparaît-elle complaisante. Suivant plusieurs lignes – le passé et le présent des immortels, le parcours de Danny d’enfant à adulte, le quotidien d’Abra –, DOCTOR SLEEP construit sa dramaturgie. La mort rôde partout. Pourtant, la puissance évocatrice du film ne réside pas tant dans l’horreur de ses images morbides que dans la projection émotionnelle qu’effectue le spectateur lorsqu’il est confronté à elles – citons deux séquences sublimes de Danny avec des patients. Armé de son sens du cadre, d’un montage sculptant le récit comme à coups de couteau et d’une élégance de chaque instant, Flanagan multiplie les idées de mise en scène (l’arrivée de Danny à Frazier et son jeu de perspectives entre immeubles et miniatures), les moments d’imagerie (un vol au-dessus de la ville), les scènes audacieuses (une séquence avec Jacob Tremblay qui marquera), il soigne le travail sonore (la pulsation de SHINING est de retour, accompagnée d’une vibration quasi constante, réifiant les ténèbres et les pouvoirs en présence). Si bien que lorsque DOCTOR SLEEP revient sur le territoire de SHINING et le cite, sa personnalité affirmée pendant deux heures transforme ces images. Plus tout à fait de Kubrick, elles sonnent comme des échos du passé de Danny et de notre cinéphilie, insufflant au film poésie et affliction, menant aussi bien vers la sidération (comme READY PLAYER ONE) que vers la tristesse. Là, l’acte de citation se fait intime, et s’affirme en outil servant avec justesse les thématiques profondes du film.

De Mike Flanagan. Avec Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran. États-Unis. 2h32. Sortie le 30 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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