THE GENTLEMEN : chronique

04-02-2020 - 20:04 - Par

THE GENTLEMEN : chronique

Il est toujours dur de voir chuter un cinéaste que l’on aime. Il faut toutefois se résoudre à l’évidence : ces gentlemen-là ne déménagent pas du tout.

 

Bien qu’il mettait en scène la figure typique du cinéma de Guy Ritchie – le jeune gars voleur des rues – ALADDIN n’avait rien d’un film de son réalisateur. Ce dernier semblait même absent durant la promotion, à mi-chemin entre l’effarement et l’indifférence. THE GENTLEMEN, tourné pendant la post-production du blockbuster Disney, apparaît comme une réaction. Tout d’abord dans sa nature visible – un film à budget médian qui revient à l’ambiance fleurie « bières, potes et joints » d’ARNAQUES CRIMES ET BOTANIQUE ou SNATCH. Il y suit une galerie de personnages (criminels, Triades, journalistes, petites frappes…) engagés dans une lutte sans pitié avec le roi de la beuh en Angleterre, l’Américain Mickey Pearson (Matthew McConaughey). Une réaction, ensuite, dans son méta-texte. À travers le personnage d’un journaliste (Hugh Grant) qui expose les enjeux et propose « une aventure cinématographique », THE GENTLEMEN commente le cinéma, exalte un savoir-faire à l’ancienne, menant irrémédiablement Ritchie à parler en partie de lui et de sa carrière. La manière dont son nom trône sur une tireuse de bière semble même vouloir imprimer sa patte sur tout un genre et son imagerie. Durant un court instant, on croit que dans cet exercice post-moderne Ritchie va engager un corps-à-corps avec ses doutes, ses fautes et ses regrets – on dit de Mickey qu’il « avait une réputation, avant de s’embourgeoiser ». Un retour au crime movie londonien pour expier son passage chez Disney ? Malheureusement, non. THE GENTLEMEN s’affirme bel et bien comme une réaction mais où Ritchie endosse le rôle de victime. Ensuite, de donneur de leçons. Il dénigre ou ridiculise les jeunes lads. Se paie sans nuances les élites, qu’elles soient journalistiques ou cinématographiques. Et dans un flou savamment orchestré entre son point de vue et celui de ses personnages, explique le racisme à ceux qui en sont victimes. THE GENTLEMEN aurait pu s’intituler ANTI-WOKE THE MOVIE. Sauf que, dans son observation des changements actuels de paradigmes, le film aboie mais ne mord jamais. Pire : ses atours méta et son propos cannibalisent une intrigue banale et rebattue. Ritchie se contente de grogner dans son coin, tel un vieux loup à qui l’on a retiré ses privilèges de mâle alpha. Il n’a pourtant aucune raison de se plaindre : il n’a pas été placardisé et lui-même a choisi de cachetonner pour maintenir son statut après les bides des géniaux CODE UNCLE et ROI ARTHUR. Sorte de bégaiement stérile, THE GENTLEMEN, en dépit des prestations très divertissantes de ses acteurs, revêt les atours d’un film de vieux con, à mille lieues de l’attitude juvénile et frondeuse des premiers succès de son auteur.

De Guy Ritchie. Avec Matthew McConaughey, Charlie Hunnam, Colin Farrell. États-Unis. 1h53. Sortie le 5 février

2Etoiles

 

 

 

 

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