BIRDS OF PREY : chronique

04-02-2020 - 20:05 - Par

BIRDS OF PREY : chronique

Consacré à Harley Quinn, ce spin-off de SUICIDE SQUAD capitalise sur son féminisme mais exploite mal ses héroïnes. Seule Mary Elizabeth Winstead s’en sort bien.

 

Harley Quinn jurait radicalement du bestiaire SUICIDE SQUAD par son énorme potentiel. Amoureuse éperdue du Joker, victime de sa toxicité, elle restait comme un croquis inachevé, sacrifiée comme le film, malade. Mais devant l’enthousiasme des supporters de l’univers DC, et les louanges tressées à l’égard de Margot Robbie son interprète, Warner a décidé de produire un blockbuster lui étant entièrement dédié. BIRDS OF PREY la recueille après qu’elle a été plaquée par Joker. Les victimes de ces Bonnie & Clyde bariolés n’attendent qu’une chose : se venger d’elle, désormais sans protection. Le cœur meurtri et en danger, elle tente de cacher sa vulnérabilité mais ça ne prend pas. Il va falloir qu’elle s’assume, qu’elle se protège, tout en s’entichant d’une jeune pickpocket ayant passablement énervé Roman Sionis (Ewan McGregor), gros bonnet. Il s’agit en fait de Black Mask, fameux antagoniste de Gotham City, mais piètre figure ici. Si l’acteur se démène pour donner du fiel à son personnage, son identité de super-vilain est aussi anti-spectaculaire qu’anti-climactique.

Consacrant beaucoup de temps à relier BIRDS OF PREY au réel social – par la construction de la sororité, par le discours sur le plafond de verre auquel se heurtent les femmes, par la description assez complexe de ce qu’est un « instinct maternel »… –, la réalisatrice Cathy Yan oublie toute la dimension super-héroïque et l’iconisation de ses protagonistes. Par exemple, si Dinah Lance (Jurnee Smollett Bell, impeccable) est un personnage intéressant, enfant du film noir autant que d’un cinéma des 70’s urbain et rugueux, elle est une super-héroïne banale au pouvoir mal amené et mal exploité. BIRDS OF PREY se maintient à ras de terre, simplement « élevé » par un production design assez sophistiqué, une belle photo de Matthew Libatique, un score de Daniel Pemberton parfois frappadingue et quelques moments de bravoure dans certaines scènes d’action. Huntress, héroïne dénuée de super-pouvoirs, au caractère trempé et un rien frappée, est le pilier de cet univers urbain avec sa backstory solide et sordide. Mary Elizabeth Winstead, qui l’incarne brillamment, légèrement en second degré, emporte chaque scène. À côté, Harley Quinn fait figure de Zébulon sans intérêt.

Le paradoxe de BIRDS OF PREY, c’est d’avoir des choses à dire sur les femmes, encore plus sur la place du féminin dans des univers dominés par le masculin, d’essayer d’ancrer son histoire dans le politique (parfois y arrive-t-il, même) sans jamais faire preuve de maturité à l’écriture. En sur-régime, comme un gosse en sugar rush à l’heure du coucher, le film est un tapage où résonne la voix criarde de Harley Quinn. Le quatrième mur est franchi de nombreuses fois à l’instar de l’évident modèle DEADPOOL (le cauchemar) et on s’interroge : pourquoi ces films s’adressent-ils à nous comme à des demeurés ? Pourquoi vouloir à tout prix créer cette connivence avec le public si ce n’est pour cacher sa propre misère narrative ? Avec ses retours en arrière incessants et sa voix off éreintante, le récit de BIRDS OF PREY est rapidement débilitant. Et les quelques moments de grâce n’y changent rien : c’est une déception.

De Cathy Yan. Avec Margot Robbie, Mary Elizabeth Winstead, Ewan McGregor, Jurnee Smollet-Bell, Rosie Perez, Ella Jay Basco. États-Unis. 1h49. Sortie le 5 février

2Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.