‘Buried’ : chronique

26-08-2010 - 09:17 - Par

BANDEAUBURIED

La meilleure manière de passer les pires 94 minutes de sa vie.

Paul Conroy est transporteur en Irak et ressortissant américain. Après que son convoi a été attaqué par des combattants locaux, il se réveille enfermé dans une caisse en bois, avec un Zippo, ses pilules censées traiter son anxiété, et un portable avec lequel il va pouvoir ameuter le monde entier pour qu’il vienne le sauver de ce qui pourrait bien être son cercueil. Énième dommage collatéral de la guerre au Moyen-Orient ou objet d’une conspiration, Paul peut-il compter sur son pays pour le ramener vivant à la maison ? Une bonne question dont la réponse n’est pas le seul attrait du film, pour sûr.


PICPOSTERBURIEDPasser 1h34 avec un type se mourant dans une boîte… Un concept de petit malin qui fait bien dans le décor surchargé d’Hollywood ? Non, outre l’argument commercial tout trouvé, le réalisateur espagnol Rodrigo Cortes va bien au-delà du happening : BURIED est un véritable tour de force cinématographique. Alors qu’on s’attendait, cynique, à ce que le réalisateur contourne ce postulat par des flashbacks, des histoires parallèles et que les plans in situ ne représentent qu’une partie mineure du métrage, BURIED est uniquement narré au plus près de son héros emmuré. On reste donc collés sous terre pendant les plus longues 94 minutes qu’un spectateur, victime d’un brin de sadisme, puisse vivre. Oubliez KILL BILL, LES EXPERTS ou ALIAS qui ont tous usé de ce pitch pour un climax futile. Et découvrez la référence du cinéma claustrophobe.
« À la lecture du scénario, il est apparu que nous pouvions rester sous terre pendant toute la durée de l’histoire, sans que jamais l’attention du spectateur ne se relâche. Le script prouve même que ne pas le faire aurait été une erreur : il FALLAIT rester sous terre » : voilà comment Cortes assume son point de vue dans le dossier de presse du film.

BURIED n’est en aucun cas prisonnier de son concept hyper-restrictif : les contraintes fixées par le scénario-même sont transcendées par une mise en scène très habile. Il ne devrait pas y avoir plusieurs manières de filmer un corps agonisant dans sa dernière demeure et pourtant… les défis les plus bêtas sont souvent les plus compliqués : Cortes, lui, explose le potentiel monotone de l’exercice en une véritable leçon de réalisation. Le cinéaste espagnol se révèle être la tête brûlée qu’il manquait au cinéma, d’où l’incroyable réputation qu’il s’est forgé de festivals en festivals, d’autant plus avec BURIED. Radical dans son humour noir (le peu de dialogues sont un modèle du genre), radical aussi dans son mystère (sait-on vraiment ce qui a amené cet homme à être enterré vivant au final ?), et non PICBURIEDmoins extrême dans son ambiance anxiogène, BURIED immerge le spectateur dans l’agonie de Paul Conroy jusqu’à ce qu’il en vive, viscéralement, tous les moments de terreur et d’injustice. L’expérience morbide n’est pas intellectuelle, elle est à peine sensorielle, elle est charnelle, primaire. Au point que l’empilement de cauchemars, extraordinairement bien amené scénaristiquement, est quasiment intenable.

Et il y a pire que d’être un thriller redoutable : être un thriller redoutable doublé d’un drame bouleversant. Et pour une empathie maximale avec notre étrange victime, Ryan Reynolds, sous-exploité jusqu’à maintenant, a sorti toute sa palette et une implication fascinante, présageant de bonnes choses pour sa nouvelle carrière.

En dire plus, ce serait trop en dire, au risque de déflorer ce film indispensable, respectant le sens-même de « suspense » à la lettre comme un Hitchcock next-gen… Mais on peut simplement dire qu’il est difficile de croire qu’on y ait survécu.

Buried, de Rodrigo Cortes. Espagne. Avec Ryan Reynolds. 1h34. Sortie le 3 novembre

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