Le Dernier Exorcisme : chronique

Eli Roth passe de réalisateur de survival cracra à producteur de faux documentaire diabolique. Son cas s’améliore-t-il pour autant ? Oui, mais pas que.

Cotton Marcus : fils de révérend. Révérend lui-même, à la gouaille certaine. Exorciste. Mais après la naissance de son fils, qui a failli y passer durant ses premières heures, et fut sauvé par des médecins plutôt que par des prières, le pasteur Marcus a remis en cause ses croyances. Et s’est donné pour mission de prouver que l’exorcisme, c’est du bidon. Il convie donc une équipe de documentaristes à le suivre lors d’une de ses séances. Pas de bol, quand il arrive chez les Sweetzer, leur fille Nell arbore des stigmates et un comportement qui pourraient bien être la preuve qu’une lutte sans merci se livre entre le Bien et le Mal pour la possession des âmes humaines…

Depuis LE PROJET BLAIR WITCH, le genre du faux documentaire d’horreur (popularisé par le très ambigu CANNIBAL HOLOCAUST) s’est développé sans réellement convaincre de son intérêt cinématographique, de INCIDENT AU LOCH NESS à DIARY OF THE DEAD. Dernière preuve en date : PARANORMAL ACTIVITY, méga succès au box office, mais objet filmique disons… contestable. Alors forcément, la prudence face au DERNIER EXORCISME s’imposait a priori.

Contrairement au PROJET BLAIR WITCH, la production d’Eli Roth, tout comme les autres exemples du genre, ne souhaite pas créer de réelle ambigüité sur la véracité des images qu’il montre. Mais davantage proposer une immersion du spectateur passant autant par une nervosité de cadrage (le fameux et galvaudé cinéma vérité) que par une complicité liant les protagonistes avec le public, via la caméra, qu’ils interpellent à tout va. De ce point de vue, LE DERNIER EXORCISME s’avère extrêmement réussi, en grande partie grâce à la performance aussi poignante qu’hilarante et absolument sans faille de Patrick Fabian, acteur incroyable croisé dans nombre de séries télé (BIG LOVE, MENTALIST, LIFE, VERONICA MARS…).

Si bien qu’on le dira sans aucune mesure : la première demi-heure du DERNIER EXORCISME s’affiche comme l’une des plus passionnantes vues dans le cinéma d’horreur depuis belle lurette. Cotton Marcus, tout révérend qu’il soit, s’y met à nu, exposant sans pudeur ses doutes quant à l’existence de Dieu, raillant cruellement sa confrérie en insérant des recettes de cake à la banane dans ses sermons. Abîmé, en conflit intérieur avec les préceptes du dogme, Cotton Marcus passionne car il permet au film de se construire sur des enjeux dramatiques véritablement puissants, intimes et quasi-universels.

Malheureusement, tout se gâte par la suite. Si LE DERNIER EXORCISME évite assez malicieusement les insupportables effets de sursaut, son but premier reste de faire peur. Et n’atteint jamais sa cible. Car les comportements dits étranges de Nell n’ont jamais rien de suffisamment paranormal pour que la présence du Démon apparaisse inquiétante ou effrayante. Admettons-le, une gamine faisant le grand écart n’a rien de franchement flippant. On est donc bien loin des gerbes et des insultes de Linda Blair dans L’EXORCISTE. Mais pire : finalement limité par ses parti-pris formels, le film ne donne qu’un seul point de vue, celui du caméraman, menant le récit à une impasse ultra-frustrante. Si bien que LE DERNIER EXORCISME se termine là où il aurait dû commencer, quand le scénario confronte réellement Cotton Marcus à ses doutes et (non)croyances. D’où la douloureuse sensation d’avoir assisté à un profond gâchis.

Le Dernier Exorcisme, de Daniel Stamm. USA. 1h27. Avec Patrick Fabian, Ashley Bell, Iris Bahr, Louis Herthum, Caleb Landry Jones. Sortie le 15 septembre.

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