Unstoppable : chronique

07-11-2010 - 14:21 - Par

BANDEAU-UNSTOPPABLEFilm catastrophe mâtiné de chronique prolétaire ? Vraiment convaincant.

Après qu’un employé du rail a mal appréhendé une situation critique, son train de marchandises, contenant un produit hautement toxique et explosif, est lancé à toute vitesse sur le réseau ferroviaire, sans conducteur, faisant craindre une flopée de drames sans précédent. Aucune solution technique ne semble pouvoir inverser la vapeur. C’est alors que deux conducteurs d’un engin arrivant en sens inverse se rendent compte qu’il n’y aura qu’eux pour arrêter la course folle de la bête d’acier, avant qu’elle ne décime une ville entière.
Film catastrophe « à la » SPEED – à la différence près qu’ici il n’y a autre terrorisme que celui du destin – mettant en scène un monstre « à la » DUEL, UNSTOPPABLE est un de ces films particulièrement efficaces comme ceux qu’on produisait il y a une vingtaine d’années pour booster l’été des cinéphiles. Une œuvre profondément honnête, sans débauche d’effets spéciaux, un grand-huit d’adrénaline, et marketée aussi sur les faits réels dont elle s’inspire. Mais à l’écran comme derrière la caméra, il est surtout le fruit d’un amour pour l’artisanat, le camboui et le travail bien fait. Un film d’ouvriers.

POSTER-UNSTOPPABLEPlongé dans des villes prolétaires de Pennsylvanie, encore régie par l’industrie ouvrière et marquée par l’érosion du pouvoir syndical, UNSTOPPABLE fait office de bâtard prolo des blockbusters hollywoodiens actuels. Tony Scott se tourne vers le dernier maillon de la chaîne économique du monde occidental : malgré la démesure de son pitch, UNSTOPPABLE est à échelle humaine, ses rebondissements fondés sur une série de mauvaises décisions, de prises d’initiatives, d’erreurs humaines et de pauvres conflits d’intérêts. On y sauve le patelin de Stanton comme on sauverait le monde ailleurs. Non pas que l’héroïsme ordinaire du péquin américain soit d’une audace folle dans le cinéma post-11 septembre, mais force est d’avouer qu’en ces temps de troubles économiques inhérents à l’ultramondialisation ou de troubles diplomatiques et humains découlant en partie d’opaques politiques étrangères, le working-class hero n’avait plus la côte que dans des chansons de Bob Dylan. Or, ici, le duo est on ne peut plus ancré dans le dur quotidien de l’Amérique d’en bas : Chris Pine incarne une jeune recrue du rail, soupçonnée d’avoir été coopté par son syndicaliste d’oncle, épinglée par la justice pour violences conjugales et contraint de ne plus approcher son fils. Denzel Washington campe un vieux briscard, témoin de la déliquescence de la santé du monde ouvrier et a fortiori des licenciements successifs de ses collègues. À leurs côtés, Rosario Dawson, responsable du centre ferroviaire dans lequel ils travaillent, subit elle, au jour le jour, la désincarnation du patronat. Du train en roue libre ou de la classe ouvrière silencieuse mais rageuse, qui est indomptable et inéluctable ? Le point fort de ce panel de personnages ? Des backgrounds à peine évoqués, grâce à quelques coups de fils savamment passés de la cabine des commandes et un dialogue, livré en bloc, à l’occasion d’un accalmie dans ce scénario bourré d’action. Contrairement à son précédent METRO 123, véritable fiasco d’acteurs (John Travolta n’avait jamais été aussi mauvais) et débauche de tirades dites à tort et à travers, UNSTOPPABLE n’est pas un film verbeux.
Fondamentalement centré sur la course folle du train (allégorie d’une Amérique à deux vitesses), PIC-UNSTOPPABLETony Scott balaie les états d’âme de ses personnages en quelques scènes, tout comme il évacue rapidement le wagon occupé par une classe de primaire menaçant de s’écraser sur l’engin. Car rien n’est plus important que ces longs plans sur l’Amérique rurale, ses paysages industriels, ses réseaux ferroviaires irriguant le pays, ses trucks et ses passages à niveaux. Ce n’est pas tant sa nature qui fait de l’Homme un héros, mais le contexte qui le lui permet. Une démarche humble, pour laquelle Scott épure sa mise-en-scène, use moins de ses filtres bariolés, bien qu’il garde certains de ses tics agaçants, sa diabolique énergie, son savoir-faire de l’action et grand sens du supsense. Il le revendique : pas de fonds verts dans UNSTOPPABLE, juste quelques harnais, des mini-caméras bien placées et une floppée de systèmes pyrotechniques. En résulte un film d’action physique, bestial, tonitruant. Et puis légèrement engagé, aussi.

Un film intègre qui ne s’est pas fait sans compromis puisque pour pour le produire à hauteur de 90 millions de dollars (contre les 110 promis au début), le réalisateur aura baissé son salaire de 3 millions de dollars et Denzel Washington, l’un des acteurs les plus chers d’Hollywood, de 4 millions.
De là à dire que UNSTOPPABLE est l’un des meilleurs entertainment d’auteur de l’année et l’un des plus honnêtes, il n’y a qu’un pas.

Unstoppable, de Tony Scott, USA. Avec Denzel Washington, Chris Pine, Rosario Dawson. 1h35. Sortie le 10 novembre

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