Harry Potter et les Reliques de la Mort – Partie I : chronique

18-11-2010 - 08:38 - Par

BANDEAUCRITIQUEHARRYPOTTERC’est le début de la fin. Pour nous conduire au terrible dénouement d’HARRY POTTER, David Yates nous offre un opus marginal, pétri de drame et de romantisme.

Alors que Voldemort a recouvré sa puissance, il n’est plus qu’à un crime d’asseoir son pouvoir hégémonique : s’il tue de ses mains Harry Potter, il pourra enfin plonger le monde de la magie et le monde des moldus dans les ténèbres. Multipliant les attaques et les coups d’état, il force l’ordre du Phénix, fébrile, à une résistance plus offensive. Le jeune Potter et ses amis Hermione et Ron, eux, décident d’aller en quête des horcruxes, ces fragments de l’âme de Voldemort qu’il leur faudra détruire un à un. Seuls dans leur aventure, rongés par les doutes, harcelés par les mangemorts, et pleurant encore la perte de Dumbledore, ils affrontent la mort, le deuil, la peur, des sentiments que seuls le courage et l’amitié pourront outrepasser. Un récit romanesque et romantique d’une beauté et d’une violence inédites dans la franchise jusqu’alors.

POSTERHARRYPOTTERProfanes, lecteurs ou spectateurs dilettantes, prenez garde. Steve Kloves, scénariste légendaire d’HARRY POTTER, proche de J.K. Rowling et monomaniaque de la saga, a fait peu cas de nos inattentions. Sans préavis, sans plus d’explications, il abuse de coupes sommaires dans le récit littéraire initial, si bien que le début du film peut paraître hermétique aux uns, hérétique aux autres. Peu ou pas d’explications sur R.A.B, frère de Sirius Black, peu ou pas de laïus sur la réputation obscure du grand Dumbledore, et ce qui faisait le sel mythologique du roman, aussi bavardes et ingrates soient ces deux légendes autour de Black et Albus – se voit sacrifié sur l’autel de l’efficacité cinématographique et d’un rythme galopant. Qui sait si ces deux « oublis » seront réparés dans la seconde partie de ce final ? Qui sait si ce sera nécessaire ?

Après cette plongée abrupte dans le récit, le scénario se fait alors plus fidèle et plus fluide, et surtout si radical dans son traitement que l’aventure en elle-même passerait presque au second plan. Bien sûr, la chasse aux horcruxes des trois jeunes sorciers est le fil rouge du film, mais elle n’est souvent qu’un prétexte à un deuxième récit, intime, plus poétique et dépressif, sur la mort définitive de l’enfance.
Cela commence par une scène bouleversante où Hermione efface la mémoire de ses parents et toutes traces de sa propre vie, faisant d’elle une orpheline anonyme. Innocents sacrifiés pour la cause, Harry, Ron et Hermione, à qui l’on interdit désormais toute forme d’insouciance, flirtent pendant plus de deux heures avec les concepts qui leur sont abstraits comme la passion, la mort ou l’abnégation. Une confrontation avec la rudesse de l’âge adulte dont découlent des scènes absolument poignantes entre Ron, Harry et Hermione, animés de rages et de colères profondes. Les trois s’y frôlent, s’y observent autant qu’ils se heurtent, en y révélant maladroitement des sentiments confus et enflammés.
PICPOTTER2Le jeu de Radcliffe, Grint et Watson s’est d’ailleurs affiné, donnant chair et âme à ce trio romantique. Une des scènes phares de cette aventure émotionnelle met en scène Harry et Hermione, dansant sur du Nick Cave lors d’un soir de grande tristesse : une dernière valse où les deux retrouvent le temps de quelques secondes leur visage juvénile pour mieux dire adieu à leur légèreté enfantine. Ô combien troublant. Audace ultime, le récit, construit en miroir à leur propre voyage sentimental, se joue lui aussi du temps : combien de longues séquences mettent en scène Harry, Ron et Hermione avouant être démunis devant leur tâche, plongent le récit dans un statisme total. À bien des titres, cette première partie d’HARRY POTTER 7 est complètement anti-climactique.
Mais ce terrible drame adolescent s’entrechoque parfois avec le périple original mâtinant toute cette évanescence de grande brutalité. La prise de pouvoir de Voldemort étant déroulée grâce à une imagerie typique des dictatures, difficile de ne pas penser scène après scène à l’invasion du nazisme. Tortures, propagandes, radio crachetant les noms des résistants morts au combat : l’ambiance y est oppressante, morbide, d’une extrême cruauté. Toujours, les aventures du petit sorcier auront développé un sous-texte politique et social assez finaud (de la lutte des classes à la ségrégation), mais rarement cette dimension aura été abordée de manière si frontale. Référence historique qui donne l’occasion de magnifiques et amples séquences d’action, et l’on pense notamment à une poursuite en forêt entre les mangemorts et les trois héros, dont Yates n’aura gardé que les souffles éperdus et les pas rapides sur la mousse et les feuilles glacées par l’hiver.

PICPOTTER1Mise en scène plus ambitieuse, plus audacieuse, vindicte politique enfin assumée, personnages plus développés, récit arythmique : ce septième opus s’affranchit en tous points des codes de la saga, loin de Poudlard et de ses aventures très scolaires, balisée par une année d’études et des péripéties à « heure fixe ». Des repères explosés également par la musique : des partitions d’Alexandre Desplat qui insufflent un désenchantement d’une grande mélancolie à quelques scènes-clés, faisant fi du thème musical légendaire de la franchise. Un aboutissement sous forme de rupture, tant cet opus n’est pas vraiment un HARRY POTTER au sens classique.

Harry Potter et les Reliques de la Mort – Partie 1, de David Yates, USA/GB. Avec Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint, Bill Nighy, Peter Mullan. 2h25. Sortie le 24 novembre

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