Raiponce : chronique

26-11-2010 - 14:56 - Par

Raiponce : chronique

Est-il possible de mixer old school et new school ? Telle est la question au centre du 50ème film des studios Disney, qui y répondent avec ingéniosité. Et si le « Disney de Noël » redevenait un moment privilégié de l’année ?

Raiponce a un pouvoir inédit, qu’elle tire de ses longs cheveux : guérir toute blessure et effacer les traces de vieillesse laissées par le passage du temps. Princesse d’un beau royaume, elle fut enlevée à ses parents par la démoniaque Mère Gothel alors qu’elle n’était encore qu’un nourrisson. Enfermée depuis dans une tour imprenable, où Gothel fait d’elle son elixir de jeunesse, Raiponce rêve de liberté et de découvrir le monde. Lorsque le bandit Flynn Rider s’introduit dans sa tour pour échapper aux autorités du royaume qui le recherchent activement, Raiponce sait qu’elle a trouvé sa porte de sortie et passe un accord avec lui. Une incroyable aventure commence pour les deux héros, qui vont peu à peu s’apprivoiser et tomber amoureux l’un de l’autre. Avec RAIPONCE, très librement inspiré du conte des frères Grimm, les studios Disney nous entraînent dans un récit tout ce qu’il y a de plus classique, à la manière de leurs plus grands films. Tout en affichant clairement leur ambition : renouveler une tradition et un savoir-faire qui ont fait leur gloire. Mission réussie ? Amplement.

Raiponce-Chronique-PosterIl faut dire qu’au commandement de ce 50ème opus des studios, figure un capitaine qui en connaît un rayon : John Lasseter. Le patron de Pixar a beau avoir fait de l’animation en CGI un rouleau-compresseur ayant signé la quasi-mort de l’animation 2D à la main, il n’en reste pas moins un grand amoureux du genre. Après avoir brillamment rallumé la mèche l’an passé en initiant LA PRINCESSE ET LA GRENOUILLE, il tente cette fois une hybridation inédite. User narrativement des codes des contes de fée classiques Disney tout en les dynamisant pour plaire à une nouvelle génération d’enfants élevés à des divertissements véloces. User esthétiquement de la CGI, tout en lui donnant un rendu s’approchant du dessin à la main. Une tâche confiée aux réalisateurs Byron Howard et Nathan Greno, complémentaires, le premier étant rompu à la CGI car réalisateur de VOLT et le second à l’animation main via son travail d’animateur/storyboardeur sur MULAN et FRÈRE DES OURS.

Et c’est bien là l’une des principales réussites de RAIPONCE : prouver que les vieux pots ne sont pas voués à moisir dans leur coin, et qu’ils peuvent encore servir à fournir des oeuvres inédites, dont le charme suranné ravira les parents nostalgiques, et dont la fraîcheur fascinera les plus jeunes. Opus à deux visages, RAIPONCE aurait pu avoir les fesses entre deux chaises, mais au contraire surprend par sa beauté. La plupart des personnages humains créés en CGI s’avèrent souvent peu convaincants, en raison d’une absence totale de photo-réalisme. RAIPONCE, un peu à la manière de LÀ-HAUT, évacue ce problème en optant pour un character design assumant son côté cartoon et empruntant aux chefs d’oeuvre d’antan du studio : Flynn et sa belle gueule au sourire ravageur aurait été un parfait ALADDIN, tandis que la princesse Raiponce et ses grands yeux verts n’aurait pas détonné dans LA BELLE AU BOIS DORMANT ou LA BELLE ET LA BÊTE. Et ce, bien qu’elle s’affiche nettement moins « soumise » ou attentiste (plus féministe ?) que les précédentes héroïnes Disney. Des personnages forts, donc, évoluant dans un univers tout CGI ne cherchant pas pour autant la prouesse spectaculaire, mais plutôt la création d’un univers cohérent, chatoyant et d’une grande délicatesse. Pourtant, derrière cette fine carapace old school, RAIPONCE recèle également de purs tours de force (les cheveux de la belle, la 3D utilisée à bon escient, la scène de la taverne des bandits ou du « festival des lanternes ») faisant du film un véritable avant-poste de maestria visuelle. Une maestria ayant la politesse de rester discrète et de ne servir que le récit et les émotions qu’il recherche.

Raiponce-Chronique-PicBien sûr, RAIPONCE n’est pas exempt de tout défaut. Si l’on retrouve avec joie la recette pourtant éculée des sidekicks animaliers (le caméléon Pascal et le cheval Maximus, hilarants), ici particulièrement réussis, pourvoyeurs de trouvailles humoristiques irrésistibles et bien intégrés dans la narration, on pourra regretter la faiblesse des chansons composées par Alan Menken. L’un des rois du genre (ALADDIN et son mythique « Rêve Bleu ») peine à bousculer ses habitudes. Si elle aborde toutes sortes de genres musicaux (Broadway, balade sirupeuse, ragtime…), sa partition peine à fondre tradition et modernité et apparaît en décalage par rapport au parti-pris général du film. A chaque numéro musical, impossible de ne pas imaginer ce qu’un compositeur plus aventureux, allant picorer du côté de musiques plus modernes (électro, hip hop, rock) pour les fondre au style Disney, aurait pu offrir au film. Si bien que Menken finit par user l’auditoire, et parfois plomber le rythme du récit qui affiche pourtant nombre de péripéties bien amenées et redoutables d’efficacité.

Pas de quoi entacher pour autant la réussite globale de RAIPONCE, qui prouve la nouvelle vivacité des studios Disney, cornaqués par un Lasseter comprenant à merveille la nécessité de s’adapter à son époque, tout en ne trahissant pas de façon putassière l’esprit créé voilà plus de 70 ans par Walt Disney et BLANCHE NEIGE. Avec un tel niveau de qualité, on ne serait pas contre un retour récurrent du traditionnel « Disney de Noël ».

Raiponce, de Byron Howard et Nathan Greno. 1h41. USA. Avec les voix françaises de Romain Duris et Isabelle Adjani. Avec les voix anglaises de Zachary Levi et Mandy Moore. Sortie le 1 décembre 2010.

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