Interview : Vincent D’Onofrio

04-01-2010 - 11:23 - Par

DonofrioBandeau

Vincent D’Onofrio, tête brûlée de FULL METAL JACKET, puissant à foutre les jetons, est toutes les semaines à la télé française avec NEW YORK SECTION CRIMINELLE. Cet été, il était à l’affiche de LITTLE NEW YORK, l’occasion de montrer une face cachée plus légère de sa démentielle personnalité. À l’occasion de la sortie du film en DVD, voici l’interview lumineuse avec un monstre du jeu, réalisée en juin dernier.

Interview

NB : entre-temps, Vincent D’Onofrio a quitté NEW YORK SECTION CIRMINELLE et a signé pour incarner Harvey Weinstein dans l’adaptation du «Sexe, mensonges et Hollywood» de Peter Biskind.

LittleNYLorsqu’on regarde votre filmo récente, rares sont les films qui franchissent les frontières des USA. LITTLE NEW YORK est une exception, n’est-ce pas ?

Je vis à New York, et beaucoup de touristes me parlent de mes films. Ce qui est assez surprenant, j’en conviens. Les Français me parlent souvent de THE SALTON SEA. Mais généralement, on fait référence au soldat Baleine de FULL METAL JACKET, à MEN IN BLACK, au taré de THE CELL. Toujours avec bienveillance.

NYSCVous êtes assez impressionnant. Les gens viennent vous parler spontanément ?

Je ne les intimide pas. Depuis 8 ans, grâce à NEW YORK SECTION CRIMINELLE, je suis devenu un acteur de proximité. Toutes les semaines, j’envahis leur salon : ça désacralise.

Le fait d’avoir cette série et donc, un certain confort financier, ça vous permet d’être plus exigeant avec les projets cinéma ?

J’ai une grande famille, je n’ai jamais assez d’argent (rires). Disons que je fais toujours de la même manière depuis 23 ans : j’aime, je fais. J’aime pas, je fais pas.

Vous n’avez jamais couru après les blockbusters pour une bonne paie ?

Vous savez, je suis un acteur de personnage. Les gros films sont des grosses machines qui vous absorbent : vous allez sur le plateau, vous faites votre travail et vous repartez. Sur un petit film, vous êtes un maillon essentiel impliqué dans le processus de production. C’est plus intense, généralement.

Vos deux plus récents films sont de vrais portraits de la côte Est : L’ÉLITE DE BROOKLYN, le dernier Antoine Fuqua, et donc LITTLE NEW YORK. Vous qualifieriez-vous comme un acteur East Coast ?

Je suis définitivement un acteur East Coast. Occasionnellement, je vais à L.A. rencontrer des réalisateurs et flairer le vent du business car mon agence est là-bas. Mais les gens savent où me trouver.

Aucun regard vers Hollywood.

Aucune mondanité. J’ai eu beaucoup de chance car je n’ai jamais eu à me vendre à Los Angeles. Stanley Kubrick a fait ma carrière avant que j’aie à y faire le guignol.

FullMetalQuand vous avez signé pour FULL METAL JACKET, vous rendiez-vous compte à quel point cela changerait votre vie ?

C’est le genre d’opportunités dont vous rêvez toute votre vie. Je me souviens que Matthew Modine, avec qui je prenais des cours, est passé me voir dans le bar où je travaillais en tant que videur. Je lui demande ce qu’il fait en ce moment et il me dit : j’ai un rôle dans le prochain Kubrick. Il y avait un autre rôle à pourvoir mais il n’y avait pas de scénario. J’ai envoyé une cassette d’essai. Quelques semaines plus tard, je reçois un coup de fil de Stanley en personne.

Les gens disent souvent que c’était très difficile de travailler avec lui, êtes-vous d’accord ?

Matthew et moi n’avions aucun problème avec lui. On allait chez lui le week-end regarder des films. Il a toujours été gentil avec moi. Je n’ai jamais eu à refaire mes prises comme un acharné, par exemple. Je voyais des gens se faire virer autour de moi, je m’endormais en espérant ne pas être le prochain. Le problème de Stan, c’était qu’il n’était pas très branché communication ; il fallait vraiment être fort pour savoir s’il aimait quelque chose ou s’il n’aimait pas. Je rentrais chez moi sans savoir si j’avais fait du bon boulot.

Quand on commence sa carrière avec un tel film, qu’est-ce qu’on peut attendre pour la suite ?

Je n’attendais rien parce que bizarrement, longtemps après que j’ai tourné, personne ne savait qui j’étais… Il n’y avait que les réalisateurs qui avaient vu FULL METAL JACKET qui voulaient bosser avec moi, les autres ignoraient jusqu’à mon existence. Et à l’époque, pas grand monde avait vu le film, croyez-moi. J’ai enchaîné les petits rôles et certains ont dit : « ce mec de FULL METAL JACKET, c’est un bosseur. Pas un type qui rêve de célébrité. » Et j’ai acquis la réputation d’être un excellent second rôle.

Après FULL METAL JACKET, a-t-on tenté de vous enfermer dans le rôle du psychopathe ? Un personnage que vous incarnez parfaitement dans THE CELL, par exemple…

C’est ma faute, j’étais attiré par ces rôles-là. Fin des 80’s et début 90’s, les rôles de méchants étaient sûrement les plus intéressants. Heureusement, le cinéma s’est mis à être plus subtil.

Vous faites 1m92, vous êtes une masse. Votre physique a-t-il conditionné votre carrière ?

Non (Rires). Je n’ai jamais fait confiance à mon physique ou à ma gueule pour choper des rôles. Peut-être que vu de l’extérieur, ça paraît être le cas. Mais j’ai toujours essayé de prendre des risques, de faire des films différents et d’avoir des rôles éloignés de ce que je suis.

orsonvincentUn rôle que vous ne pouvez pas nier avoir eu en partie grâce à votre physique, c’est celui d’Orson Welles dans ED WOOD. Seulement vous, vous n’aimez pas ce rôle.

C’était entièrement ma faute. J’ai merdé avec Tim Burton. Il était content de moi mais moi, je n’ai jamais été satisfait de mon jeu.

Vous avez la réputation d’être un bosseur, un acteur à méthode. Cela ferait de vous l’insatisfait chronique parfait…

Dans le cas de ED WOOD, je n’ai pas livré une vraie performance. C’est la seule fois où j’ai eu cette impression de gâchis. Et d’ailleurs, pour me laver de ça, j’ai réinterprété Orson Welles dans un autre film : 5 MINUTES, MR. WELLES… Mais de temps en temps, ça m’arrive d’être content de moi…

Vous êtes du genre à toucher du doigt la schizophrénie quand vous plongez dans un personnage ?

Plus jeune, oui. Mais aujourd’hui, j’arrive à switcher. Devenir un psychopathe, oui, mais sur le plateau. Les recherches que j’ai faites sur les serial killers pour THE CELL m’ont fait cauchemarder. Mais en le jouant, je n’ai jamais eu de dégâts émotionnels. De toute façon, en vieillissant, je m’améliore, j’ai appris à maîtriser ça.

Merci la télé ?

Oui. Ça vous apprend une technique. Avec l’implication ou le rythme de tournage que ça requiert, j’ai appris à allumer et éteindre un personnage très rapidement.

On sait que sur le plateau de NEW YORK SECTION CRIMINELLE, vous avez déjà eu des malaises de surmenage. Vous êtes accro au boulot ?

J’aime travailler. J’aime le cinéma, le théâtre, m’investir dans des projets, écrire, discuter avec d’autres artistes. Je suis accro à la créativité. Mais ce que je fais, je n’appellerais pas ça un boulot.

DonofrioMensongesTravailler dans SECTION CRIMINELLE, ça vous aide à rester actif artistiquement ?

Ça, c’est un travail. Au début, les deux premières années, on tâtonnait. On créait un show dont on ignorait encore le public ou la nature profonde. On a dû « inventer ». Ensuite, je me suis emmerdé. Quand un nouveau show-runner est arrivé, ça a ravivé mon intérêt. Il y a très peu de séries 100% géniales. Pour les autres, il faut juste faire de son mieux.

Ça aurait été votre truc une série clinquante comme LES EXPERTS : MIAMI ?

Est-ce que j’ai l’air d’un mec shiny ? Si par un accident de la vie, je me retrouvais dans une série comme celle-là, je me ferais virer aussi sec. Ma version du bling n’est pas celle de Jerry Bruckheimer avec tout le respect que je lui dois. Ces séries restent un mystère pour moi. Je vois les acteurs jouer, je constate la réalisation, mais ce n’est pas mon monde. Quand je tourne un SECTION CRIMINELLE, je n’ai pas à mettre le manteau d’un type qui n’existe pas.

Vous qui êtes passé par l’Actor’s Studio et l’école Stanislavski, quel regard portez-vous sur la nouvelle génération ?

J’ai longtemps cru que les jeunes acteurs travaillaient de travers, mais j’avais tort. Il y a de très bons comédiens sur le circuit. Je me faisais cette réflexion la dernière fois que j’ai vu Jake Gyllenhaal dans un film. Les acteurs intelligents sont ceux qui, quoiqu’ils jouent, héros, méchants ou que sais-je, confèrent toujours beaucoup d’humilité à leur rôle. C’est pour ça qu’ils embarquent le spectateur. Ils sont capables de jouer dans des films show-off sans l’être eux-mêmes. Voyez Shia LaBeouf par exemple, ce mec deviendra celui que les grands choisiront.

Vous aimez le cinéma pop-corn que Shia LaBeouf sert en ce moment ?

L’entertainment, c’est précieux au cinéma. Je suis un peu à la ramasse comme spectateur, j’ai mis des mois à aller voir SLUMDOG MILLIONAIRE ou THE WRESTLER. Je vais voir les films que tout le monde va voir. Je suis un spectateur assez normal.

Mainstream ? À l’encontre des films que vous faites généralement…

Disons que dans ma dvdthèque, j’ai autant de Chaplin et d’Antonioni que de Burton ou de comédies à la con… Je me suis fait un petit cadeau récemment : un écran qui sort du plafond d’environ 4 mètres sur 3 et un beau rétroprojecteur. On y apprécie de tout.

Chronique de LITTLE NEW YORK

LittleNYPosterLa mafia dans tous ses états (de New York)
Destins croisés d’un nettoyeur de fosses septiques / braqueur de vieilles (Ethan Hawke), d’un charcutier sourd et muet qui débite des corps pour la pègre (Seymour Cassel) et d’un parrain local en pleine révélation (Vincent D’Onofrio), LITTLE NEW YORK superpose les tableaux de la banlieue de Big Apple. Portrait du Staten Island des travailleurs écrasés par la capitale financière comme portrait des caïds italiens défendant leur lopin de terre à coups de guns malgré les avertissements de maman. James DeMonaco, scénariste du NÉGOCIATEUR et d’ASSAUT SUR LE CENTRAL 13, brasse des personnages typiques de la côte Est et rappelle, au détour de cette petite comédie noire, la poignante humanité de ceux qui n’aspirent qu’à la sérénité, malgré leurs obscurs agissements. Qu’il s’agisse de rédemption, de revanche, d’entraide ou de fatalité, LITTLE NEW YORK synthétise le propos des grandes chroniques mafieuses à hauteur d’ouvriers, sur quelques kilomètres carrés et trois personnages. En toute humilité.

Little New York, de James DeMonaco, EuropaCorp. Sortie en DVD et en BluRay le 6 janvier.

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