Invictus : chronique

09-01-2010 - 17:42 - Par

InvictusBandeau

Le dernier film de Clint Eastwood est imparable. Ça ne l’empêche pas de sucrer les fraises.

À peine investi président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela (l’incroyable Morgan Freeman) fout un sacré boxon dans le pays. Saint de chair et d’os, il s’est fixé un but : guérir  l’Apartheid, réconcilier les blancs et les noirs, et si ça doit passer par le sport, ainsi soit-il. Il n’y a pas de petits moyens, ni de petites stratégies pour mener à bien sa politique, une politique tactique bien qu’extrêmement humaniste. Alors, et parce qu’il est convaincu que sa philosophie peut-être très contagieuse, il demandera à François Pienaar (Matt Damon, toujours aussi épatant), capitaine de l’équipe de rugby des Springbocks, de gagner la coupe du monde 95 organisée par l’Afrique du Sud. Et de réunir les Sud-africains sous le même drapeau et sous le même hymne. Peu importe leur couleur.

InvictusPosterVoyez le genre… On sait ce que c’est en France, le sport comme opium du peuple. Ça vous bouge les gens sur les Champs-Elysées et vous éclipse en un rien de temps les problèmes sociaux, politiques et xénophobes d’un pays. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’existent plus. Et quand Clint Eastwood transforme INVICTUS en chou à la crème, on se rappelle tout de même qu’en Afrique du Sud, la criminalité y est l’une des plus fortes au monde et que le racisme y rugit encore. Mais Clint, lui, s’en fout. Il rajoute des violons, de longs discours porteurs de grandes valeurs, de beaux gestes filmés au ralenti – des ralentis comme on en fait plus depuis 20 ans– et des musiques africano-grandiloquentes qui rappellent sévèrement le score surpuissant du ROI LION. François Pienaar, héritier spirituel de Mandela, se rend en prison et s’imagine à quel point ce devait être dur pour le chef d’état de casser des cailloux dans les cours du pénitencier, et Clint, lui, filme ses apparitions chimériques comme dans le meilleur épisode des PORTES DU PARADIS. Vous savez quoi ? Eastwood devient mielleux, plus mielleux que dans les scènes les plus tartignolles de GRAN TORINO, mais il y croit. Et comme on croyait au salut de ce vétéran de Corée qui devient le papi officiel et armé jusqu’aux dents de deux jeunes asiatiques, vous croyez mordicus à cet INVICTUS. Vous êtes l’otage consentant de ce Mandela, qui ne cesse de tendre l’autre joue, de ces joueurs de rugby investis d’une mission dépassant le simple but sportif, celle d’être les apôtres d’un vieillard roublard, stratège de la paix, le bon père de quelques millions de sud-africains égarés. Finalement, InvictusPicvous êtes l’otage de l’Histoire, car même si Mandela se révèle ne pas être le saint dans les bras duquel on voudrait s’étouffer de culpabilité (demandez à sa famille ce que c’est d’avoir un père investi d’une mission divine), il n’en est forcément pas loin. Et si la spiritualité et la foi en leur pays n’ont pas été les seuls moteurs des Bocks pour arracher cette coupe du Monde, tant pis. Mais en France, on est bien placés pour savoir qu’il n’y a pas que les points marqués qui font les grands sportifs. C’est en ça qu’INVICTUS est imparable : il véhicule tellement d’utopies qu’on le boit comme du petit lait (sans être écoeuré). Il ouvre une petite fenêtre sur la possibilité d’une politique équitable et un monde quasi-parfait, sans même oser évoquer l’échec d’une telle entreprise. Et que Clint Eastwood, L’INSPECTEUR HARRY, soit si investi à nous conter la face lumineuse des Hommes, c’est juste merveilleux. On n’oserait croire à une telle fable. Mais ça fait juste du bien de l’entendre.

Invictus, de Clint Eastwood, Etats-Unis. Avec Morgan Freeman, Matt Damon. 2h13. Sortie le 13 janvier.

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