Hadewijch : chronique

22-11-2009 - 15:23 - Par

HadewijchBandeau

Bonne nouvelle : Bruno Dumont, terroriste en chef du cinéma français, revient avec son film le plus accessible à ce jour, sans s’affadir pour autant.

Bruno Dumont, cinéaste aussi ambigu qu’exigeant, n’aime pas la tiédeur. Depuis LA VIE DE JESUS, il a habitué le public à des images choc, crues, le prenant au col pour le jeter au sol. Quitte à ce qu’il se sente agressé. Cornaquant les spectateurs sans jamais les manipuler, Dumont aime le cinéma, qu’il considère comme une expérience sacrée. Pas étonnant qu’avec HADEWIJCH, il se lance dans l’étude du mysticisme, à travers le voyage initiatique d’une jeune femme, Céline, dont la foi finit par l’aliéner du réel et du contact humain.

HADEWIJCHPosterAlors, oui, dit comme ça, HADEWIJCH pourrait apparaître comme un énième film auteuriste un peu flou, théorisant à toute blinde, au détriment d’un certain plaisir de spectateur ou de toute communion émotionnelle. Mais Dumont n’est pas un cinéaste comme les autres. Esthète le plus doué du cinéma français, Dumont abandonne ici sa zone de confort et ce qui a fait sa gloire : le Scope et le plat pays du Nord de la France, pour embrasser un cadre plus serré (le 1.66) et les lignes de fracture urbaine de Paris. Forcément, HADEWIJCH n’est pas le coup de boule formel qu’étaient L’HUMANITÉ ou FLANDRES. Et d’un pur point de vue narratif, son dernier opus n’en a pas non plus la force tragique et dérangeante. Ce qui n’est pas non plus le signe que Dumont s’embourgeoise. Si HADEWIJCH passionne moins immédiatement que ses films précédents, il est aussi moins autiste, plus partageur. Et c’est toute l’intelligence de Dumont d’avoir su bousculer son cinéma pour mieux raconter l’histoire de Céline. Animée d’une foi mystique troublante, cette jeune fille de diplomate ne s’accorde aucun contact humain réel, et n’offre son amour qu’au Christ. Ce n’est qu’en prenant le chemin de l’extrémisme (on n’en dira pas plus), que Céline va pourtant enfin comprendre que le Christ ne se touche pas ou n’existe pas en tant qu’entité réelle, mais se vit au travers de tout. Et surtout dans le contact à l’autre. Un précepte singulièrement humaniste chez un cinéaste qu’on connaissait plus pour les réactions épidermiques que provoquaient ses précédents films. Ce propos plus proche d’une déclaration d’amour à la laïcité qu’à uneHADEWIJCH4profession de foi dogmatique (Dumont n’est pas croyant), le cinéaste la borde d’une ambiance aussi lumineuse que délétère, à la faveur de cadrages claustro en diable, s’attardant autant sur la beauté irradiante de la foi que sur son ambiguïté et ses potentielles conséquences néfastes. Une dichotomie que Dumont étudie avec honnêteté, sans prosélytisme, et qu’il gère comme toujours de main de maître, en filmant ses personnages dans des milieux où ils apparaissent singulièrement inadéquats (Céline et la solitude de son immense appartement, le spirituel Nassir emprisonné dans une banlieue aliénante). En se rapprochant ainsi de l’humain et en concluant son film sur une note aussi rêveuse qu’optimiste, Dumont prouve qu’il peut tout autant poursuivre le spectateur en dehors de la salle de projection qu’en lui assénant les électrochocs qui ont fait sa renommée.

Hadewijch, de Bruno Dumont. Avec Julie Sokolowski, Karl Sarafidis. 1h45. Sortie le 25 novembre.

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