Une éducation : chronique

23-02-2010 - 18:08 - Par

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Ecrit par un homme mais filmé par une femme, le féminisme des années 60 vécu par une lycéenne trop impatiente de vivre pour surmonter les obstacles sociaux qui l’éloignent de ses rêves.

Le romancier anglais Nick Hornby (« Haute Fidélité », « À propos d’un gamin ») devait en avoir marre de s’échiner à pondre des romans de 400 pages pour voir le crédit de ses histoires bien troussées et humainement délicates revenir à ceux les adaptant au cinéma. Alors l’écrivain a cette fois lui-même pris la plume du scénario d’UNE ÉDUCATION, sans passer par la case librairie. Inspiré d’un article autobiographique de la journaliste Lynn Barber, Hornby s’intéresse au clash entre aspirations de carrière et désir amoureux, dans une Angleterre des sixties en plein boom existentialiste.

EducationPosterJenny, seize ans au compteur, joue du violoncelle, travaille bien à l’école, et comble de l’injustice, arbore un minois mimi. Embarquée dans une existence toute tracée par un père qui ne la voit qu’entrer à Oxford, la jeune lycéenne va peu à peu tomber dans la révolte tranquille en tombant amoureuse de David, un trentenaire bien tassé et bien mis. Un gentil bonhomme discret, qui fait du quotidien de Jenny tout ce dont elle a toujours rêvé : jouir du présent, se délecter de concerts de musique classique ou d’écoutes de disques de Juliette Gréco, partir un week-end à Paris… Soit le cliché de l’existentialisme tel que fantasmé par les jeunes anglais aventureux et culturellement ouverts des sixties, Beatles inclus. Sauf que le David n’est peut-être pas aussi honnête qu’il le prétend. Une grande partie du charme d’UNE ÉDUCATION réside dans l’écriture d’Hornby, qui capte avec peu d’effort le souffle de liberté qui souffla sur les sociétés occidentales dès la fin des années 50 via tout un courant artistique français (les Existentialistes, donc), qui favorisa l’éclosion du rock anglais et toutes ses conséquences. De cette capacité à trousser un univers cohérent et jamais poussif dans la reconstitution, la cinéaste danoise Lone Scherfig tire un récit aérien aussi aisé à EducationPicapprécier que l’est un bonbon acidulé. Acidulé, car derrière le voile lumineux de l’ouverture de Jenny aux plaisirs du carpe diem émerge l’ombre bien plus malveillante de l’ambiguïté. Par touches malignes et discrètes (sous entendus, regards en biais, silences lourds), la cinéaste insinue le doute quant à David. Elle est en cela formidablement aidée par l’interprétation vénéneuse sans en faire trop de Peter Sarsgaard et celle, naïve et candide de la formidable Carey Mulligan, qui, sans lourdeur, transmettent au public la sournoise et obligatoire arrivée de la déception. De cette inéluctabilité ressentie dès les premières bobines naît peu à peu un propos plutôt bien vu sur le féminisme, sans pour autant tomber dans le militantisme poing levé, qui ferait de tout homme un porc violeur (comme ont pu le hurler certaines chiennes de garde de l’époque). Car c’est bien de prise en main de son destin qu’il s’agit dans UNE ÉDUCATION. Et bien que la leçon assénée ici ne brille pas toujours par sa profondeur ou sa complexité, donnant au film une touche un peu lisse de téléfilm BBC des années 80, elle demeure suffisamment douce et optimiste pour que l’on accepte de l’écouter avec grand plaisir.

Une éducation, de Lone Scherfig. Grande-Bretagne. Avec Carey Mulligan, Peter Sarsgaard, Alfred Molina. 1H35. Sortie le 24 février 2010.

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