Green Zone : Chronique

29-03-2010 - 11:51 - Par

BANDEAUGREENZONE

Paul Greengrass et Matt Damon font du thriller, de l’action, du drame, de l’histoire et de la politique. C’est bien, mais c’est trop.

Est-ce vraiment un problème quand un film brasse trop de thèmes ? Dépend de la pertinence du scénario. Ce n’est pas tant la profusion de sujets qui gêne dans GREEN ZONE que leur agencement. L’histoire du soldat Miller, en faction en Irak pour dénicher les armes de destruction massive, menant l’enquête jusqu’à découvrir qu’elles n’existent pas, n’a pas le récit qu’elle mérite. Et dire que GREEN ZONE, c’est un peu BOURNE au Moyen-Orient, ce n’est pas foncièrement galvaudé. Et ce n’est pas QUE une bonne chose.

PICGREENZONE-1GREEN ZONE débute comme un thriller hyper formaté, dont le héros découvre l’existence d’un énorme mensonge d’état que les autorités nient au plus haut niveau mais qu’un agent de la CIA tend à confirmer. L’enjeu (provisoire) du film étant de démontrer une vérité que tout le monde connaît, en feignant le suspense, il nécessite forcément un scénario au cordeau, surprenant et ultra-anxiogène. Ce n’est pas ce qui s’en dégage de prime abord.

Greengrass, c’est le cinéaste des faits historiques en docu-fiction (VOL 93, BLOODY SUNDAY) qu’il sert grâce à des récits compacts, nerveux, immersifs proches du témoignage objectif : il nous force donc à les redécouvrir sous un angle nouveau, alors qu’on s’identifie, en colère, à ses héros ordinaires. C’est un metteur en scène qui, alors, sert les causes.
Ou à l’inverse, il peut être un réalisateur de héros. Grâce à BOURNE, on a découvert son fort potentiel d’entertainer, son goût pour le héros exceptionnel, apolitique.

Ici, il tente le mélange et se dépatouille difficilement de son propos engagé alors même qu’il doit fournir un bon vieux actioner à son héros burné de l’armée. Impossible de comprendre le propos de GREEN ZONE, bancal : film d’action héroïque, pamphlet politique, docufiction analytique, Greengrass hésite, passe maladroitement de l’un à l’autre, nous perd et nous intéresse à peine.

PICGREENZONEMais ça ne dure que le temps de constater que ces multiples genres fusionneront enfin en un seul et même… drame. Le drame de ce soldat, porté par un Matt Damon parfait, dont le patriotisme s’écroule, découvrant le mensonge qui a mené lui et ses hommes à mourir sous les balles, le secret d’état et la manipulation des médias. Alors, GREEN ZONE gagne en force, se désintéresse des prouesses de son soldat Miller, pour filmer sa désillusion et la quête d’une vérité qui lui est nécessaire de connaître. Sa course idéologique et physique vers des réponses. Et là, plongeon dans un BOURNE sur fond d’engagement, débarrassé d’artifices narratifs, dédouané d’un suspense préfabriqué, mais reposant sur des enjeux personnels qu’on avait mal appréhendés (puisqu’ils étaient mal exposés).

Tout s’éclaire, et la simplicité de l’enjeu excuse alors les quelques bastons surchorégraphiées ou les quelques dialogues lourdauds qui viennent parasiter le film. On se délecte des caméras-épaules frénétiques, des flous, des décadrés, bref de la mise en scène de l’urgence si typique de Greengrass. Il y a même une séquence de course-poursuite à pied, un moment de grâce totale, qui balaiera définitivement tous nos griefs. Ceci-dit, c’est aussi grâce aux erreurs du film qu’on parvient à mettre en lumière les qualités de Greengrass, des qualités hors normes qui ont un inconvénient : l’intransigeance. À grand talent, grandes attentes.

Green Zone, de Paul Greengrass, UK/USA. Avec Matt Damon, Greg Kinnear. 1h50. Sortie le 14 avril

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