Life during wartime : chronique

26-04-2010 - 23:40 - Par

LifeWartimeBandeau

Onze ans après, Todd Solondz donne une suite à son HAPPINESS. Mêmes personnages, casting différent. Mais la même rage d’observer à la loupe les pires névroses, d’en rire ou d’en pleurer, c’est selon.

En 1995, Todd Solondz frappait un grand coup avec BIENVENUE DANS L’AGE INGRAT, son deuxième film, et s’affirmait comme l’un des grands espoirs du cinéma indépendant américain. Sauf que le bonhomme ne fait pas franchement grand-chose comme les autres. Capable d’appuyer là où cela fait mal, le cinéaste, sorte de nerd névrosé faisant passer Woody Allen pour le mec le plus équilibré du monde, n’est pas devenu une star indé. Plutôt un terroriste des émotions, applaudi par certains, irritant les autres. Mais toujours capable de sortir les concepts les plus barrés comme son PALINDROMES (2004), véritable palindrome narratif et visuel dont l’héroïne était campée par diverses actrices. Rebelote avec LIFE DURING WARTIME, à la fois suite d’HAPPINESS et cross-over avec L’AGE INGRAT et PALINDROMES. C’est compliqué, oui.

LifeWartimePosterDix ans après les événements d’HAPPINESS, la famille Jordan ne va pas mieux. Joy quitte son « pervers » de mari. Sa grande sœur Trish tente d’oublier que son ex-époux Bill purge une peine de prison pour pédophilie et tombe dans les bras d’Harvey. Un père de substitution qu’accepte tant bien que mal Timmy, gamin sur-intelligent de douze ans. Helen, la troisième sœur, scénariste, soigne ses névroses en couchant avec Keanu Reeves. Des personnages qui rencontrent ceux de BIENVENUE DANS L’AGE INGRAT et PALINDROMES, et que Solondz a décidé de faire camper par un casting totalement différent que celui d’HAPPINESS, comme pour souligner l’interchangeabilité de leurs identités, l’universalité de leurs problèmes. Un beau bordel pathologique que le réalisateur, comme à son habitude, observe tour à tour avec mélancolie, tristesse, et humour sarcastique à la limite de la cruauté. Si l’on ne doutera pas de la tendresse du cinéaste pour ses personnages, c’est sans doute ce dernier pan « fendard » de LIFE DURING WARTIME que l’on essaiera d’oublier. Car si l’on voit clairement l’intérêt qu’il y a à balayer le malheur en le moquant, la démarche tourne en rond, provoque pour pas grand-chose, rend dérisoire l’important, et surtout, travestit la véritable force du film. Son propos, profondément émouvant.LifeWartimePic Loin d’être anodin, le titre de LIFE DURING WARTIME rappelle sans détour que les personnages évoluent dans une nation en guerre. A des milliers de kilomètres, certes. Mais en guerre tout de même. Un conflit irakien jamais adressé directement, mais faisant écho aux batailles internes qui déchirent chacun des protagonistes du film. Et si toute guerre nourrit en son sein le délire de la Mère Patrie, c’est l’absence du père que souligne ici Solondz. Loin de plaider pour une société patriarcale où l’homme serait le seul référent ou pilier valable, le cinéaste brode néanmoins une toile décrivant les conséquences et l’étendue de la défaite de l’homme en tant qu’époux ou père de famille. Une blessure propre aux sociétés occidentales qui laisse les femmes exsangues, et les fils désespérés. Sans réelle solution, Solondz ne dresse guère qu’un bilan. Dont ressort une profonde tristesse, un regard abattu sur un champ de bataille dont les victimes sont partout.

Life during wartime, de Todd Solondz. Etats-Unis. 1h36. Avec Ciaran Hinds, Allison Janney, Paul Reubens, Charlotte Rampling. Sortie le 28 avril 2010.

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