Cannes 2010 : Outrage / Critique

17-05-2010 - 07:07 - Par

OutrageBandeau

De Takeshi Kitano. Sélection officielle, en compétition.

OutragePosterSynopsis officiel : Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuza se disputent la bienveillance du Parrain. Les caïds montent dans l’organisation, à coups de complots et de fausses allégeances. Otomo, yakuza de longue date, a vu évoluer ses pairs : des tatouages élaborés et des phalanges sectionnées, ils sont passés à la haute finance. Leur combat pour arriver au sommet, ou du moins survivre, est sans fin dans un monde corrompu où règne trahison et vengeance. Un monde où les héros n’existent pas…

Après une formidable trilogie explorant son statut d’artiste (TAKESHI’S, GLORY TO THE FILMMAKER, ACHILLE ET LA TORTUE), Takeshi Kitano revient neuf ans après ANIKI MON FRERE à ce qui l’a fait connaître : le polar à haute teneur en violence sourde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y va pas par quatre chemins pour cette histoire de vendetta sans fin entre différents clans de yakuzas se foutant sur la gueule sans trop de raisons, et ne cessant de s’invectiver, comme s’ils jouaient à être joe Pesci dans LES AFFRANCHIS.

Un ton volontairement ironique émanant du film dès ses premières minutes, et ne cessant de s’affirmer au fil du récit. Car oui, dans OUTRAGE, on se fend régulièrement la gueule. Parce que Kitano endosse le rôle d’un petit yakuza effectuant sans cesse le sale boulot, regard de Droopy en bandoulière, sourire sarcastique en coin, et vannes sèches à tire-larigot (les « ferme ta gueule » à sa femme ne lui font pas peur). Parce que ses yakuzas ont tous l’air profondément con et n’agissent pas comme des gangsters avisés en quête de pouvoir, mais comme des sales gosses grotesques ne cherchant qu’à doubler leurs pairs. Résultat : le récit d’OUTRAGE est totalement vain. Suite de vengeances dont les enjeux sont volontairement dérisoires, de jeux de pouvoirs prévisibles, OUTRAGE s’affirme presque comme une parodie, où les yakuzas se gueulent dessus comme dans un manga.

Ce qui n’empêche pas le film d’être aussi un polar sec et brutal, dans lequel la violence surgit avec une fureur et une inventivité perverse bien crues. Exemple parmi tant d’autres : imaginez les dégâts causés par une roulette de dentiste utilisée avec de mauvaises intentions… Et là réside tout le fun du dernier Kitano : si le cinéaste signe ici un de ses opus les plus inutiles et donc les moins bons et profonds, c’est aussi l’un de ses plus évidemment divertissants. Le Japonais, usant avec brio d’ellipses humoristiques, d’un montage sec comme une baffe en pleine poire, et d’une mise en scène refusant la frime, donne de sérieuses leçons d’efficacité narrative et de rigueur esthétique à pas mal de ses petits camarades asiatiques (et oui, nous visons là Johnnie To, entre autres). Il regarde aussi le cinéma d’action avec une tendre désinvolture, lui rendant au passage ses attributs de genre à ne pas prendre trop au sérieux. OUTRAGE en devient profondément attachant. Pas sûr qu’il marque nos esprits bien longtemps, mais il assure au moins deux heures d’amusement sans prétention.

Outrage, de Takeshi Kitano, Japon. Avec Takeshi Kitano, Jun Kunimura, Ryo Kase. 2h. Prochainement

OutragePic2

OutragePic1

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.