Preview : Max et les Maximonstres, retour vers le futur

22-11-2009 - 12:00 - Par

Maximonstresweb

Trois ans après les prises de vues, le nouveau Spike Jonze va enfin se dévoiler. Plus c’est long, plus c’est bon ? Clairement.


«Tu dois faire un film qui respecte les enfants et qui suinte de danger». Voilà ce qu’a lancé Maurice Sendak, 81 ans, à Spike Jonze, en charge d’adapter au cinéma son livre pour enfants culte, «Max et les Maximonstres». Un film qui au dernier Comic Con de San Diego a créé une telle émotion qu’il en a presque fait oublier le très hype AVATAR de James Cameron. Attendu de pied ferme, MAX ET LES MAXIMONSTRES, l’est. Après tout, c’est l’adaptation d’un monument de la littérature. Et le retour de Spike Jonze, qui s’affranchit de son fardeau indé pour explorer la noirceur de l’enfance dans un film de studio. Après trois ans d’attente et deux bandes-annonces à couper le souffle, on le dit sans peur : le troisième opus de Jonze pourrait être un classique, un film familial déviant, dont les soucis de production ne sont que les stigmates d’une intransigeante singularité.

JonzeRecordsVoguent les galères

Pour Spike Jonze, les emmerdes commencent en 2004 quand, son projet sous le bras, il quitte Universal pour différends artistiques après un an de taff. Direction Warner, qui lui confie 80 millions de dollars pour porter à l’écran l’un des livres pour enfants les plus aimés de l’Histoire contemporaine. On y suit le jeune et turbulent Max, qui, puni dans sa chambre, y crée un monde imaginaire peuplé de monstres qui vont faire de lui leur roi. « Quand mon livre est sorti, les critiques étaient assassines » assure Maurice Sendak. La presse, les libraires et les pédopsychiatres estiment le livre dangereux, voire subversif. Il aura fallu deux ans et l’enthousiasme des enfants, à qui le livre parle comme aucun autre auparavant (sans condescendance), pour que le succès arrive. L’œuvre de Sendak bénéficie au final d’une aura universelle. Et si le film de Jonze suivait le même chemin ? Car niveau galère, le cinéaste a réussi le grand chelem. Outre des tempêtes détruisant les décors en Australie en 2006, Spike Jonze va essuyer des tornades bien plus ravageuses : les rumeurs. En février 2008, quelques mois avant la sortie, on parle de projections tests désastreuses, dont des enfants fuient en hurlant de peur. Pour un film familial, ça fait désordre. Warner commencerait à paniquer, d’autant qu’une vidéo peu flatteuse déboule sur le web : les Maximonstres, des acteurs en costumes, n’y sont guère convaincants. Jonze doit s’expliquer :  » Le Maximonstre n’est qu’un prototype afin de voir si l’animation des visages par ordinateur fonctionnerait ». Et malgré tout, la machine s’emballe. Le film est repoussé à 2009, avant de disparaître des plannings. La raison supposée ? Le studio, qui a donné le final cut à Jonze, songerait à tout recommencer depuis le début, et donc à se séparer du cinéaste. Une pétition pro-Jonze est lancée (signée par Björk !). Pour calmer le jeu, Alan Horn, patron de Warner, conclura en juillet, qu’il a finalement « offert plus d’argent et de temps à Jonze pour que le film respecte sa vision et celle de Warner. Personne ne veut faire du film un produit de studio aseptisé ». D’où un tournage complémentaire à l’été 2008 et des efforts drastiques pour animer image par image, et par ordinateur, les visages des Maximonstres. Un travail titanesque qui n’est que la partie visible du travail de Jonze, qui dès le départ, a mis les bouchées doubles pour faire un film peu ordinaire.

Un monde à inventer

Il faut dire qu’avec ses 338 mots (en version anglaise), « Max et les Maximonstres » n’est pas une épopée. Jonze doit inventer tout un récit autour de la mince narration deCarollMaxSunset Sendak, qui se voit donc enrichie d’éléments soulignant la solitude et les émotions de Max : l’absence de son père ou l’arrivée d’un nouveau compagnon pour sa mère. Pour coucher tout ça sur papier, Jonze appelle son ami Dave Eggers. Ou l’un des écrivains les plus bandants de sa génération. Dans son premier livre d’autofiction, « Une œuvre déchirante d’un génie renversant » cité au Pulitzer, il y décrivait comment après la mort consécutive de ses parents, il avait dû prendre en charge son jeune frère de 8 ans. En voilà un sacré bagage pour saisir toute la mélancolie qui émane du livre, et cerner l’horreur tapie derrière l’innocence de l’enfance. Sendak, qui avait toujours refusé de voir son film adapté se fie à Jonze. « Maurice m’a dit de me fier à mon instinct. (…) Je voulais faire un film personnel qui saisisse ce que le livre représente dans ma vie ». Forcément, tirer une œuvre d’auteur d’un classique étudié dans les écoles primaires, ça effraie Hollywood. « Dès le début, j’ai dit à Warner que MAX ET LES MAXIMONSTRES ne serait pas adressé aux gamins de 4 ans. Ils ont approuvé, mais quand ils ont vu le film… C’était un peu comme s’ils attendaient un garçon et que j’avais accouché d’une fille ». Il faut dire que la vision du cinéaste, aussi extrême soit-elle, est précise. Triste, lourd, anxiogène, voilà quelques adjectifs qu’il cite pour définir le ton de son opus. Mais pas seulement. « Il y a aussi de la tendresse, et toute l’imagination de Max, son sens du jeu, de l’amour et de l’espoir. Je voulais que l’on montre toutes les facettes de l’enfance ». Si encore Jonze s’était contenté d’audace sur papier, passe encore. Mais ses choix esthétiques vont finir de faire de MAX ET LES MAXIMONSTRES un projet hors norme.

James Gandolfini et Tom Hanks, producteur du film

James Gandolfini et Tom Hanks, producteur du film

Sous la fourrure, un cœur qui bat

Pour ses Maximonstres, Jonze sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Ils se doivent d’être LE vecteur de magie. Il pourrait opter pour les CGI et le photoréalisme. Pas de bol, il choisit l’opposé : des acteurs en costume et des marionnettes, comme au bon vieux temps, polies ensuite par ordinateur. Pour leurs voix, il pourrait partir sur un casting de stars. Re-pas de bol : il choisit des seconds rôles comme Paul Dano (LITTLE MISS SUNSHINE) et Catherine O’Hara (PENELOPE), une vedette du ciné indé en la personne de Forest Whitaker et des célébrités télé comme Lauren Ambrose (SIX FEET UNDER) et surtout James Gandolfini (LES SOPRANO) pour Carroll, le Maximonstre le plus important. Jonze a juste cherché le bon interprète pour le bon Maximonstre, et va demander bien plus que de simples séances d’enregistrement. « Nous avons réuni les acteurs dans un hangar et nous avons filmé tout le scénario, un peu comme un atelier théâtral. Les acteurs pouvaient vraiment se concentrer sur leur jeu. » Le but de l’opération est simple : donner aux performers qui revêtiront les costumes et aux marionnettistes des indications précieuses. « Ils ont regardé les vidéos de l’atelier et chaque mouvement que faisaient les interprètes vocaux pouvaient être reproduits. Chacun de leur geste devait être intentionnel car quand James Gandolfini joue, il ne fait rien par hasard. Ses intentions sont partout ». Dans ces conditions, peu importe que les Maximonstres ne soient pas photoréalistes. A l’image, ils existent, par la magie d’une fusion totale entre les interprétations vocales et physiques. Comme si Jonze nous propulsait dans le terrier du lapin, nous forçant à croire à un univers si visuellement hors-normes qu’il ne peut qu’être fabriqué. Du pur cinoche en somme. «Un film comme je n’en avais jamais vu et qui m’a énormément touché» conclut Sendak la larme à l’œil.

Alors oui, forcément, lorsqu’on couche sur papier les sentiments les plus sombres de l’enfance et que l’on opte pour une esthétique considérée has been, le tout avec un budget trèsCarollJonze confortable, on ne peut que se retrouver confronté aux doutes de la machine parfois simpliste qu’est Hollywood. Mais au final, Spike Jonze vise une expérience sensorielle et émotionnelle inédite de nos jours, qui pourrait rappeler DARK CRYSTAL ou E.T. Des classiques intemporels, avec de simples créatures en latex pour tout vecteur de magie, où l’enfant était bien plus qu’un marché à conquérir. Un véritable retour au source du grand spectacle familial, qui pourrait bien en marquer le renouveau. Réinventer le futur avec les outils du passé. Voilà un credo qu’on est prêts à suivre au bout du monde et que le public américain, galvanisé par des critiques béates, a couronné d’un box-office à l’avenant : 70 millions de dollars en un mois…

Max et les Maximonstres, de Spike Jonze, USA. Le 16 décembre.



Max

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