The Proposition : chronique

13-12-2009 - 19:19 - Par

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Bien avant LA ROUTE, le western sale et transpirant THE PROPOSITION témoignait du talent de John Hillcoat à disséquer des civilisations.

La route vers les grands écrans français a été laborieuse pour THE PROPOSITION, sans cesse repoussé, diffusé sur Canal+ et disponible en DVD import avant même les projections presse. Sans doute, le nom du réalisateur australien John Hillcoat en haut de l’affiche de LA ROUTE, le road-movie post-apocalyptique avec Viggo Mortensen, aura décidé Bodega Film à pousser cette merveille en salle.

PropositionPosterAlors que les tambours et les trompettes résonnent pour le blockbuster AVATAR, THE PROPOSITION s’annonce comme la contre-proposition parfaite, même si ce statut honorable le condamne à un box-office nul ou presque. Regarder ce western en cinémascope, c’est se retrouver jeté violemment dans la poussière de l’outback australien, une spirale de violence et de brutalité dans laquelle trois frères hors-la-loi tentent de survivre à une justice expéditive pratiquée par des colons missionnés de «civiliser» les indigènes. Loin des trois frangins l’idée de se poser en redresseurs de torts : l’aîné (Danny Huston) est un homme mauvais, une bête qui viole, pille et assassine. Le cadet (Guy Pearce), plus sensé si ce n’est plus «sage», a le coup de revolver facile, sans pour autant se laisser aller à la monstruosité. Le benjamin (Richard Wilson), lui, est presque une victime innocente de l’art de vivre familial. À eux trois, ils vont cristalliser sur 100 minutes la haine aveugle, démesurée, qui peut mener à se croire en droit de purifier autrui. Intéressant alors de constater que les points de vue du deuxième frère et celui d’un shérif tentant de résister à la corruption ambiante (Ray Winstone) soient les seuls regards désespérés et désenchantés sur les exactions qui ont fait l’Histoire de l’Australie. Un parti pris qui, dans le portrait cruel et sans concession d’une civilisation en pleine mutation, évacue pourtant tout manichéisme. Dans un scénario écrit en moins d’un mois, le musicien romantique et ami du réalisateur, Nick Cave, dissèque autant la vile condition humaine que les liens indestructibles mais pervers du sang. À l’écran, du calme des grands déserts australiens à la violence déchaînée confinée sur quelques mètres carrés d’une prison ou d’un «poteau» d’exécution, John Hillcoat excelle à nous étouffer de douleur après nous avoir nourri de grands paysages crépusculaires. Un certain sens du cadre et de l’image, faut l’avouer, mais surtout un grand don pour filmer «anxiogène». Le regard halluciné d’un indigène, les yeux possédés des sheriffs, un viol sur PropositionPicun bahut en bois, des coups de fouet assénés à un blond virginal, une plaie béante soignée «aux plantes chamaniques»… Tout relève de l’exorcisme ultra-violent d’une néo-civilisation bâtie sur le sang. Le «western» s’y prête certes souvent, mais THE PROPOSITION est un brutal attentat sur le genre.

De John Hillcoat, Australie. Avec Guy Pearce, Ray Winstone. 1h44. Sortie le 16 décembre

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