The Limits of Control : chronique

01-12-2009 - 09:42 - Par

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Le King de l’Indé Jim Jarmusch livre avec son nouvel opus son œuvre la plus étrange, et aussi la plus esthétique.

On n’avait pas vu Jarmusch depuis 2005 et BROKEN FLOWERS, de loin son long-métrage le plus accessible. Certains le lui avaient reproché, comme si s’ouvrir à un public plus large représentait une trahison, ou une érosion de son style. Sauf que le Jarmusch n’a pas mis sa kalachnikov au placard et livre avec THE LIMITS OF CONTROL un OVNI cinématographique esthétiquement superbe, au scénario grandement improvisé, au rythme languide et au propos foncièrement énervé.

LimitsPosterDire que THE LIMITS OF CONTROL passionne serait quelque peu exagéré. Il est en effet parfois irritant de voir un conteur né comme Jarmusch sombrer dans ce qu’il y a de plus gonflant dans le cinéma auteuriste : le récit cryptique et alambiqué, volontairement lent, manquant de resserrage au montage. Disons les choses comme elles le sont : THE LIMITS OF CONTROL peut ennuyer pendant une bonne partie du métrage, qui dure quand même près de deux heures. Une torture ? Non, car ce qui n’apparaissait que cryptique, auto-complaisant et manquant cruellement de recul finit par prendre tout son sens dans les cinq dernières minutes. Bien sûr, quand on connaît le bonhomme, l’un des rares cinéastes à ne s’être jamais compromis, à n’avoir jamais répondu aux sirènes de l’argent, à n’avoir jamais dérogé à sa liberté créatrice, le chemin qu’il nous fait prendre dans THE LIMITS OF CONTROL n’est pas totalement mystérieux ou inintelligible. Jarmusch y suit un homme (Isaach de Bankolé), chargé d’une mission hors-la-loi et apparemment primordiale, et qui pour ce faire, rencontre divers intermédiaires en Espagne. Chacun lui parle de ses intérêts (le sexe, la musique, le cinéma etc) avant de disparaître. Jusqu’à la révélation finale de la mission, que l’on préfèrera ne pas dévoiler ici, mais qui en dit long sur l’état d’esprit de Jarmusch. Très énervé contre son pays, Jarmusch semble également profondément irrité par le pragmatisme un LimitsPicpeu envahissant de ceux qui nous gouvernent, et pour qui la culture ne serait qu’un opium de plus. Alors qu’il est tellement mieux de «travailler plus pour gagner plus» ou d’écouter Didier Barbelivien. Si bien que THE LIMITS OF CONTROL, s’il n’est pas un récit engageant, entre tranquillement dans nos méninges et finit par être hautement sympathique, rien que pour son propos libertaire, voire franchement révolutionnaire. D’autant qu’avec son chef op Christopher Doyle, Jarmusch a façonné une mise en scène tout simplement miraculeuse où chaque plan recèle de détails, de reflets, de symétries ou asymétries, de cadres dans le cadre, de décors surréalistes. Une esthétique que le cinéaste dit avoir emprunté au POINT DE NON RETOUR de John Boorman et qui confère à THE LIMITS OF CONTROL une densité incomparable, et en fait un plaisir des yeux de tout instant. De quoi alimenter les soirées des amateurs de langage cinématographique pendant des lustres.

The Limits of Control, de Jim Jarmusch. Avec Isaac de Bankolé, Tilda Swinton, John Hurt, Bill Murray. 1h56. Sortie le 2 décembre.

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