Une fable sur la vie et son champ des possibles. Dit comme ça, c’est sûr, on n’a pas envie de le voir. Et pourtant, ça vaut le coup d’œil.
Jaco Van Dormael a mis du temps à livrer MR NOBODY (13 ans, depuis LE HUITIÈME JOUR). L’entreprise est ambitieuse, il faut l’avouer, si bien que la chronique d’un film si théorique est un véritable cauchemar. Balayant la vie de Nemo Nobody (Jared Leto, formidable, sans rire) selon les choix qu’il a fait ou aurait pu faire, le film a simplement pour but de poser de grandes questions sur la vie, la mort, la nécessité de vivre quand on est mortel et attention, sur l’amour comme source de vie. Le tout via trois histoires d’amour que Némo pourrait vivre : que se passerait-il par exemple s’il embrassait Elise (Sarah Polley), ou s’il rencontrait Anna (Diane Kruger), ou encore s’il se mariait avec Jeanne (Linh-Dan Pham). On brasse du vent ? Peut-être serions-nous plus clairs si nous donnions le pitch officiel ?
«Un enfant sur le quai d’une gare. Le train va partir. Doit-il monter avec sa mère ou rester avec son père ? Une multitude de vies possibles découlent de ce choix. Tant qu’il n’a pas choisi, tout reste possible. Toutes les vies méritent d’être vécues.» Jaco Van Dormael explique que MR NOBODY est un film sur le doute. Et le doute, c’est ce qui nous assaille irrémédiablement devant une œuvre faite d’autant de grands moments de cinéma que des pires ratages. Variation originale de «l’effet papillon», empreinte de bout en bout d’une ambiance très angoissante générée par le postulat initial cornélien («Papa ou maman ?»), MR NOBODY explore l’enfance de Nemo (une des enfances de Nemo ?) autant que son agonie de vieillard le plus âgé du monde dans un futur où l’Homme ne meurt plus. C’est là que le film pourrait justifier les critiques les plus acerbes qui l’ont traité de croûte. Le futur et sa direction artistique dans MR NOBODY, bref tout ce qui relève de la science-fiction dans le film, est visuellement atroce, technoïde à la con, d’un tel mauvais goût qu’on prie pour mourir avant de voir ça si jamais c’est ce qui nous attend. En revanche, quand Van Dormael s’ancre dans le monde réel, plus contemporain bien que fantaisiste, l’histoire du petit bonhomme un peu perdu Nemo atteint des sommets de beauté. Interprètes impeccables, les acteurs s’emparent de ce petit conte un poil philosophique et ramènent vers de vrais beaux sentiments ce MR NOBODY tendant dangereusement vers une sur-stylisation type pub Evian ou produits laitiers (on ne ment pas, dans le film il y a quatre ou cinq fois la chanson «Mr Sandman, bring me a dream…» du spot Auchan, qui le tire irrémédiablement vers la caricature visuelle). Alors que le réalisateur belge, déjà en charge d’une histoire complexe, semble focalisé sur l’épate esthétique, à force de raccords bizarres et de transitions alambiquées, il en impose aussi sur la maîtrise de la narration. Car malgré l’obsession de ce film à dire des choses très simples de manière très tordues – les flashbacks, les flashforwards, le délire et le jonglage entre trois ou quatre (qui sait ?) récits parallèles -, l’histoire et le propos sont limpides. Paradoxalement, c’est aussi grâce à des codes visuels très clairs (rouge, jaune, bleu si on veut faire simple) qu’il se détache du gloubiboulga avec lequel il flirte. Et puis il y a le fil rouge de Nemo : la piscine et la peur panique de l’eau, manifestant d’une naissance douloureuse et d’une vie qui ne génère qu’angoisse et doute, donc. Une idée simplissime (merci) qui fait de MR NOBODY le très beau portrait d’un névrosé vieillissant en paix avec lui-même, aussi. D’où la question : et si le film avait été plus humble, aurait-il été aussi marquant ?
Mr Nobody, de Jaco Van Dormael, France/All/Canada/Belgique. Avec Jared Leto, Diane Kruger. 2h18. Sortie le 13 janvier
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