Preview : Alice au Pays des Merveilles
11-01-2010 - 12:08 -
Tim Burton rend à Alice ce qui lui appartient : un monde parallèle de féeries comme un reflet des pires angoisses humaines. Pour ceux qui croyaient que le conte « Alice au Pays des Merveilles » portait bien son nom, Burton revisite le mythe à sa sauce. Extravagante et lugubre.
Preview
C’est donc en 2008, après la sortie de SWEENEY TODD, que Burton lance le « reboot/suite » d’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, soit environ la trentième variation celluloïd du conte de Carroll depuis 1903. Pourquoi ? Parce que c’est naturel. Si le conte est un mélange brûlant de candeur et de cruauté, le réalisateur lui n’a eu de cesse de plonger ses personnages dans de cruelles réalités. D’Edward aux mains d’argent au jeune mari naïf des NOCES FUNÈBRES en passant par Edward Bloom de BIG FISH, il confrontera toujours ses sujets aux paradoxes, à l’incursion du réel, à l’invasion barbare de l’inopportun. Et qu’il conçoive ses films de manière étrangement « shiny » ou qu’il s’inspire de l’expressionnisme noir des Murnau, Lang et autres, le triomphe de la candeur se fait rarement sans coups de flipette. «L’histoire d’Alice fait appel au subconscient. L’apanage des grands contes, c’est qu’ils touchent des thèmes qu’on a souvent enfouis. C’est pour cette raison qu’il y a eu tant de versions du film, c’est que cette histoire obnubile les esprits. Mais je n’ai jamais vu une adaptation que j’ai réellement aimée.» Il ment. Car il avouera que sur son propre film, plane le fantôme de la version de 1933 (avec Cary Grant et Gary Cooper) : «Sûrement la meilleure, car la plus bizarre». Ainsi que le spectre du film DREAMCHILD (1985), librement tiré d’ »Alice au Pays des Merveilles », dans lequel Alice Liddell, personnage réel qui a inspiré Carroll pour son conte, est hantée par les mystérieux protagonistes que l’auteur lui a fait rencontrer en fiction, expérience si perturbante qu’elle remet en question a posteriori sa relation avec l’écrivain sulfureux. Indubitable donc, le penchant de Burton pour le potentiel noir du conte, sa face dérangeante qui lui donne tant de niveaux de lecture. Son étrange légèreté qui rend fou. Burton va donc mettre un peu de cachetons dans toute cette crème.
Alice, chez Tim, n’est plus une petite fille. C’est le parti pris par Linda Woolverton, scénariste de Disney (LE ROI LION, LA BELLE ET LA BÊTE), qui produit évidemment cette nouvelle version et qui jubile à l’idée de voir ce prodige qu’elle avait accueilli en 1979 en tant qu’animateur, rentrer dans ses rangs. De là à dire qu’entre la scénariste, le réalisateur et ses producteurs, c’est la confiance absolue, il n’y a qu’un pas. Woolverton a donc écrit à Burton un script sur mesure : «Ce que j’aime dans le scénario de Linda, c’est qu’elle a fait d’Alice une fille à l’âge médian entre l’enfance et l’âge adulte (elle a 17 ans dans le film, ndlr). Et comme beaucoup de jeunes gens, elle a une sagesse d’âme qui la place en inadéquation avec son époque et sa culture. L’idée, c’est qu’Alice est décalée par rapport à l’époque victorienne dont elle fait partie.» Ce sera la direction artistique du film, une perception tordue des choses à apprivoiser, comme un rite de passage et une découverte de soi. Rumeurs insistantes, ce périple dans Wonderland lui permettrait de renouer avec feu son père et de nouer une amourette avec… le Chapelier Fou. Sensuelle, déviante, oedipienne, cette nouvelle version d’ALICE, qui arbore en tête d’affiche la diaphane et fantasmatique Mia Wasikowska ? Non, on est dans le borderline, cette étrange zone entre vérité et fantasmagorie. Richard Zanuck, le producteur de ce néo-ALICE IN WONDERLAND, explique : «Le conte, on l’a Burtonisé», tout en louant le look complètement surréaliste des premiers rendus. Le superviseur des SFX, Michael Lantieri, assure que «Tim a une vision de ce conte ancestral qui est sans précédent». L’emballement général vient d’abord d’une direction artistique absolument folle, mêlant le naturalisme à un style gothico-lumino-victorien tendance Vivienne Westwood.
Une hystérie ambiante qu’on pourrait rapprocher (dans un autre style) de la délure hypnotique de CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, d’où la non-surprise de voir Johnny Depp, l’acteur attitré du réalisateur et «celui qui joue les illuminés comme personne», choper le rôle du Chapelier Fou, comme il avait si bien incarné Willy Wonka. Acteur et réalisateur ont créé le personnage comme une «bague d’humeur», ce bijou fantaisie qui change de couleur selon les hormones dégagées par la personne qui la porte. Et c’est sûrement ce que sera ALICE, un bijou fantaisie servant des forces occultes et imprévisibles, fruit d’une technologie que Burton apprend doucement à apprivoiser. Car le réalisateur a opté pour un mélange des genres relevant de l’hallu : live action, effets numériques et motion capture. «Nous mutons la réalité. Attention, ce n’est pas BEOWULF», explique-t-il, «c’est du live déformé mélangé à de l’animation. Je ne peux le comparer à aucun film. Vous avez des personnages de chair et de sang et puis d’autres qui doivent être numériques, le tout est de flouter la frontière entre les deux.» D’où ces artworks psychédéliques, composés par exemple du visage tout à fait identifiable d’Helena Bonham Carter incrusté sur un univers de dessins caricaturaux, exagérément chamarrés. Délire esthétique entre animation expérimentale et expressionnisme printanier, traitement poétique d’un cauchemar éveillé, trip hallucinogène et anxiogène au fin fond de l’inconscient. Et en 3D, s’il vous plaît.
Enfin… attention. Tourné en 2D, puis transformé à la postproduction en 3D. Une hérésie dans la communauté intégriste des convertis à la 3D si bien que James Cameron, Jésus de la technologie, fustige le procédé de Burton : «Ça ne veut rien dire de tourner le film en 2D pour le convertir ensuite.» Une leçon de cinéma plus tard, l’ignorant Burton préfèrera passer outre et jouer la provoc. Ce mois-ci dans le magazine anglais Empire, Tim revient sur les avancées technologiques du cinéma, lui qui vient de tourner son ALICE presque exclusivement sur fonds verts : «J’avais des fonds verts pour SWEENEY TODD, mais cela concernait seulement quelques jours de tournage. Là, c’est l’intégralité du film que je shoote dans ces studios. Généralement, le décor m’aide beaucoup à imaginer l’ambiance d’une scène. Mais maintenant, on fait les choses à l’envers ! On filme et on compose après… C’est une manière vraiment bizarre de concevoir le cinéma.» Approuvé par Johnny Depp qui avoue avoir la nausée de voir tant de vert toute la journée, Burton n’a toujours pas été décapité par le front révolutionnaire technologique et garde la tête sur les épaules. Ce n’est pas le film qu’il a préféré faire, certes, mais il voit une parfaite symbiose entre «classicisme et hypermodernité». Le mot de la fin, c’est pour Johnny Depp : «Il y a des choses dont on est convaincu qu’elles ont été écrites pour Tim. Ce film-là, c’est une hallucination.» Alice in Wonderland, de Tim Burton, USA. Sortie le 7 avril
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