DVD Ultimate Game : 100% cramés

18-01-2010 - 14:39 - Par

GamerNeveldineTaylorBandeau

Deux enfants terribles ont pris le contrôle du cinoche : Brian Taylor et Mark Neveldine, déjà derrière la caméra affolée d’HYPERTENSION, remettent ça pour ULTIMATE GAME et HYPERTENSION 2. Trop barrés pour se ranger, ces cramés du bis ont décidé de foutre un gros ramdam à deux voix. Mais le cinéma fait de la résistance. On fait le point à l’occasion de la sortie DVD d’ULTIMATE GAME.

Brian Taylor (g.) et Mark Neveldine (d.)

Brian Taylor (g.) et Mark Neveldine (d.)

«Il était mort… Mais il va mieux.» Voilà le postulat d’HYPERTENSION 2, la suite de la course à la vie HYPERTENSION, alors que Chev Chelios (Jason Statham) s’est rétamé la gueule sur le bitume de Los Angeles suite à une chute de quelques centaines de mètres. Les yeux injectés de sang, la cervelle en bouillie et le coeur, ce fameux coeur qui aurait cessé de battre si Chev ne s’injectait pas de l’adrénaline pure, au point mort. Mais, pas grave, les scénaristes/réalisateurs d’HYPERTENSION, Brian Taylor et Mark Neveldine, ont ressuscité leur héros et un paquet de fantômes avec lui : le bis revient foutre la merde sur grand écran avec de vrais acteurs au casting et une réalisation quasi expérimentale tant elle est… Déjantée ? Anarchique ? Novatrice ? En voilà deux qui ne collent pas au décor : au moment d’appeler le distributeur français d’HYPERTENSION 2, «il n’est plus dans les plannings de sortie», nous avait-on répondu. Quant à l’autre Neveldine/Taylor, ULTIMATE GAME, guerre futuriste entre des accros au jeu vidéo grandeur nature et leurs avatars guerriers de chair et de sang, qui aligne Gerard Butler et Alison Lohman à l’affiche, il est bien sorti sur les écrans le 9 septembre dernier, mais bien encadré par Le Pacte, distributeur de THIRST (Park Chan-wook) ou BRONSON (le film quasi expérimental de Nicolas Winding Refn), spécialiste des marketings délicats. Le cas Neveldine/Taylor serait-il un peu trop pathologique pour ce business so « petit-bourgeois »?

NeveldineRollerCrankPlay

Petit retour en 2006, quand Neveldine et Taylor attaquent le grand écran, comme des excités, avec HYPERTENSION. L’histoire d’un type dévoré par un poison qui baisse son rythme cardiaque jusqu’à la mort s’il ne s’inflige pas une bonne dose d’adrénaline (baise en public, course-poursuite, bastons intempestives, braquages d’hosto). Le tout filmé au grand angle, en plongée ou ras du sol, en patins à roulettes la plupart du temps histoire d’être scotché à l’action et aux bourre-pifs du Statham. Tout fait penser à une vidéo démo de skateboard ou aux clips MTV. «Neveldine me courait après en rollers. La caméra ne s’arrêtait jamais. C’est de la pure folie. C’est que de la passion» explique Jason Statham. Mais les gars s’inspirent autant du jeu vidéo : HYPERTENSION est clairement construit comme un GRAND THEFT AUTO live, avec des inserts de Google Earth en option. À l’époque, les critiques américains sont abasourdis : «Veut-on vraiment encourager un film pour hooligans ?», «Le style GTA, ça ne va pas loin» auxquels les plus fervents défenseurs du film répliquent des «si ridicule, improbable, fatiguant et stupide que ça en devient fun». Des joutes qui feront instantanément le culte d’HYPERTENSION. Heureusement que le budget est riquiqui (12 millions de dollars) car, avec ses 40 millions engrangés dans le monde entier, le film est loin d’être un succès salle mémorable. En revanche, il cumulera 2 millions de copies DVD vendues aux USA en une semaine. Et génère 6 millions de dollars en location. Neveldine et Taylor, eux, en sortent grandis d’une réputation de kamikazes underground, trop cramés pour soulever les foules jusqu’au multiplexe, mais pile poil pour un canapé, des pizzas et un litron de bière. Vivement la suite.

NeveldineStathamJumpLe diable au corps

Chez Neveldine et Taylor, pas de profondeur… C’est leur réputation. Lorsqu’ils signent le scénario de PATHOLOGY, thriller sur l’élaboration de crimes parfaits par de jeunes médecins accros aux cachetons, le film récupère à peine 109.000$ sur le territoire américain, nous, on ne le verra jamais. Trop de détachement face au sujet et de prises de substances à outrance par de jeunes cons qui ont plus l’air d’étudiants que de docteurs. Le public passe complètement au travers de ce film d’horreur visant à désacraliser le corps, comme HYPERTENSION lui infligeait les pires misères : «Quand on a fait des recherches à la morgue», explique Neveldine, «on s’est rendu compte que les mecs préféraient prendre leur job à la légère, ils photographiaient des corps autopsiés ou des coutures qui font un « Y » quand ils les referment». Le problème et la plus belle qualité de Taylor et Neveldine, c’est qu’ils se foutent de la tangibilité tant que c’est cinématographique. «Un jour, on a vu un cadavre à la morgue. Vert comme Kermit la Grenouille. Ils l’ont ouvert devant nos yeux. À l’intérieur, c’était tout lisse, tout beau. Mets ça dans un film et personne n’y croit…» Au diable les conventions et sus à la logique. Même quand ils ressuscitent outrageusement le cadavre de Chev Chelios pour donner une suite à leur HYPERTENSION. Et qu’ils obligent leur héros, non plus à s’injecter de l’adré, mais à s’électrocuter à intervalles réguliers pour relancer son coeur. «Les coeurs artificiels comme celui du film ne vous permettent en aucun cas de courir comme un perdu ou de vous battre…» nous inflige un cardiologue dans The Guardian, quotidien anglais ô combien sérieux. Un peu d’humour, s’il vous plaît. «On est complètement malades» explique Taylor, «tout vient d’une fascination pour le corps humain. Pour la manière de le bousiller. Il y a la même obsession dans les films de Cronenberg. Tout ça n’est rien d’autre qu’une extension du traumatisme enfantin de voir une dent tomber. Après tout, vous retrouvez le même thème chez JACKASS.» Pas étonnant alors que les deux compères se soient penchés sérieusement sur le cas de ExergueJONAH HEX en tirant de cette BD centrée sur un cow-boy dur à cuire au visage ravagé, défiguré, le scénario définitif de la grosse production de Warner Bros. Ils en étaient aussi les réalisateurs attitrés… jusqu’à ce que, fin 2008, le duo se retire du projet pour « différends artistiques » tout en laissant le script au studio. «Quand on se retrouve avec l’impression qu’on ne pourra pas faire le film qu’on veut, ça perd tout intérêt pour nous.» Warner n’avait aucune intention de les laisser faire joujou avec son grand blockbuster de 2010. Ceux que plus personne ne veut assurer car leur manière de tourner avec des baudriers, sur skateboard ou le pied collé à l’accélérateur, est tout simplement kamikaze, ont peu de chance de se voir confier une grosse production un jour. Alors en attendant de soigner leur petit problème avec l’autorité, ils tournent l’édifiant ULTIMATE GAME.

GamerDVDSame Player Shoot Again

Comme Cronenberg avait fait en 1999 son EXISTENZ, exercice de style sur les univers virtuels et plongée d’une créatrice de jeu vidéo dans son oeuvre complètement malsaine, Neveldine et Taylor s’offrent ULTIMATE GAME. Soit l’actioner futuriste total où des êtres humains sont devenus les avatars sanguinaires de gamers potentats. Dans leur nouveau film, Gerard Butler, personnage réel du jeu grandeur nature « Slayers », devra tuer le tyran qui a inventé cette merde, défier l’autorité, reprendre possession de son libre arbitre, réincarner son « lui » qu’on a décharné en le virtualisant. Ces deux réalisateurs, taxés d’être des férus de l’esthétique superficielle des video games, mettent donc enfin les pieds dans le plat. «Pour nous, les jeux vidéo ne sont que le symptôme d’une maladie qui nous inspire. On nous a taxé avec HYPERTENSION 1 et 2 de faire du jeu vidéo, mais ce sont juste des films qui ne tiennent pas en place.» Au rendez-vous donc, un univers cyberpunk (boîtes de nuit fluo, esthétique technoïde…) un peu daté mêlé de poursuites en voitures filmées au fish-eye (yeah !) et de séquences d’action portées par un Butler plus gonflé que jamais, arborant gilet par balles, mitraillette et suie sur la tronche comme un Schwarzie période COMMANDO. Bref, une spirale infernale de violence qui hypnotiserait même les plus bégueules. Quand MTV rencontre le cinéma badass des 80’s, c’est de mauvais goût ? Neveldine et Taylor ne se fixent aucune limite : pour HYPERTENSION 2, ils ont complété le casting d’acteurs et d’actrices X, embauché Bai Ling, dont les 43 ans ont étiolé sa classe, réhabilité la nuque allemande pour toute mode capillaire et convoqué l’ex-Spice Girl has been, Geri Halliwell, pour un surprenant caméo. Le tout pour un univers déluré de putes, de stripteaseuses, de détectives débiles et de mafieux des triades des plus vénères. Mark et Brian, instigateurs d’orgies visuelles, mixeurs de pop culture, fans inconditionnels TaylorNeveldineGamerdu cinéma de vidéo-club, ont compris une chose : «Si HYPERTENSION 2 marche bien en salle, mais surtout, surtout, en vidéo, on en fera un troisième.» Pas regardant sur la distribution bancale de leurs films (HYPERTENSION 2 n’est sorti ni en France ni en Australie faute d’un box-office US suffisant), les deux se félicitent même que ULTIMATE GAME débarque sur les écrans américains pendant le « Labor Day », un week-end généralement peu folichon pour les scores. Et finalement, à peine aura-t-il gagné 30 petits millions de dollars. Comme s’ils se foutaient royalement de leur « bankabilité », conscients de redorer le bis en souterrain, ils préparent actuellement «un film de cascades, écrit pour un pote cascadeur, que la production Lakeshore [leur] a déjà commandé» et ont vendu le scénario de leur CASH MONEY DOLLARS au fort potentiel terroristico-bourrin : «Nous, on veut faire des films qui mixeraient tous les trucs des 80’s qu’on adore. Et on les pousserait très loin. On est déjà en 3008, alors que tous les autres films sont coincés en l’an 2000.» Parlons d’avant-gardisme, d’artistes incompris. «On ne fait pas des films pour que les gens les matent bien assis. Nous, on veut que les gens sautent et jettent des trucs sur les écrans. Ouais, nous on veut que les gens baisent. Commençons à propager le message. Baisez devant nos films.» Discours complètement déviant. Et pour le moins cohérent.

Ultimate Game, de Brian Taylor et Mark Neveldine. TF1 Vidéo. Sortie le 20 janvier en DVD et BluRay.

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