Gainsbourg (Vie Héroïque) : L’avis de l’expert

Un amateur érudit et accessoirement biographe de l’Homme à la tête de chou nous livre ses impressions sur le film de Joann Sfar.

Lorsqu’on aime Serge Gainsbourg comme peut l’aimer Hubert Allin, biographe et inconditionnel, voir débouler sur les écrans un biopic qui n’en est pas un sur la vie de son héros musical, on a de quoi avoir les jetons. Surtout quand le long-métrage est une première œuvre. Alors, réussi ou raté ? Conte ou biopic ? Les deux mon général.

Le qualificatif de conte est-il justifié ?

« Oui, car il raconte sa vie de façon très elliptique, rendant ainsi grâce aux mystères qui entourent des moments de la vie de Serge. Il a aussi une manière très particulière de raconter certains éléments. Les albums mythiques « Melody Nelson » et « L’Homme à la tête de chou », sont expédiés en deux scènes surréalistes et cryptiques. La première heure est audacieuse, pétries de belles idées, dont celle de la marionnette qui illustre à merveille la double personnalité de Gainsbourg et le mal qui le ronge depuis l’enfance. J’ai trouvé ça émouvant : on sent que Sfar y met énormément de choses personnelles. C’est imaginatif, drôle, touchant. La deuxième heure du film est plus traditionnelle. Dès l’arrivée de Birkin dans le récit, on entre dans un biopic classique, linéaire et donc moins intéressant. »

L’interprétation

« La plus étonnante, sans aucun doute, est Laetitia Casta. Elle capte ce qu’était et représentait Bardot à la perfection, sans que jamais je n’ai eu l’impression désagréable d’être devant une caricature. Quant à Eric Elmosnino, impossible de ne pas être bluffé. Mais sa performance est parfois amoindrie dans la deuxième moitié. Car si la première heure fait entrer dans le Gainsbourg intime, la deuxième raconte des faits publiquement connus. Cela affaiblit le portrait, on ne parvient plus à se départir des images que l’on a en tête du véritable Serge et de fait, cela parasite sa performance. »

La plus belle idée du film

« Pour moi, une des choses remarquables est le refus de Sfar d’utiliser à outrance les chansons de Gainsbourg. On entend bien sûr quelques morceaux très connus, réinterprétés par les acteurs. Mais la bonne idée à mes yeux est d’avoir fait réorchestrer les mélodies de ses chansons en score traditionnel et symphonique de cinéma. Du coup, on est bien loin de l’hommage bruyant et hystérique un peu gonflant qu’était LA MOME. »

Avis général

« Evidemment, comme la deuxième moitié de GAINSBOURG est moins convaincante que la première, le danger de rester sur sa faim est assez grand. Mais au final, j’ai beaucoup aimé ce qu’était le film. Car j’y ai trouvé suffisamment de belles idées, et de beaux moments de cinéma pour être à la fois surpris et ému. Ma femme Emilie, qui n’est pas particulièrement fan de Gainsbourg, n’a pas vu passer les deux heures. Ce qui est assez rare chez elle, peu importe le film. Ça doit être bon signe ! »

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