Brothers : Chronique

31-01-2010 - 13:29 - Par

BrothersBandeau

Un remake puissant d’un film danois déjà très fort. Il y a beaucoup de raisons d’aller voir BROTHERS de Jim Sheridan.

Un réalisateur irlandais à qui l’on doit certains des films les plus poignants. Trois acteurs prodigieux. Et puis surtout le film original de Susanne Bier, un drame danois absolument parfait dans son genre, qu’on avait découvert en 2006 dans un fol enthousiasme. Avoir des a prioris positifs sur un film, c’est bien. Ne pas être déçu, c’est le pied. Pardonnez l’emballement. Comprenez aussi qu’un remake est un exercice si casse-gueule et qu’il aurait été tellement facile de crier que BROTHERS, c’était mieux avant, que si l’on ne devait dire qu’une chose, ce serait la suivante : Hollywood n’est pas vouée qu’à remixer d’obscurs petits films qu’elle prend bien soin de ne pas distribuer pour faire un max de dollars avec des idées qu’elle n’a pas eues. Parfois, les choix sont judicieux, les castings sont éclairés, le message est judicieux et le remake éclipse l’original. Comme quoi…

BrothersPosterTobey Maguire est Sam Cahill, capitaine dans l’armée américaine et père de famille dévoué… quand il n’est pas occupé à servir son pays en Afghanistan. Sa femme, incarnée par Natalie Portman, est une bonne Américaine, mère courage à 30 ans à peine, morale. Si morale d’ailleurs que son beau-frère Tommy (Jake Gyllenhaal), repris de justice, n’est pas spécialement le bienvenu trop près de ses filles. Il n’est même pas le bienvenu chez ses propres parents qui lui préfèrent Sam, fils responsable, patriote. Tout bascule le jour où Sam est laissé pour mort par l’armée, que Grace, jeune veuve, sombre dans le cauchemar américain et qu’il n’y aura bien que Tommy pour s’occuper dignement d’elle. Un rapprochement salvateur. Sauf que… Sam n’est pas vraiment mort. Et voilà la famille devenue le catalyseur des névroses et traumatismes de l’Amérique, car au-delà du message politique et pas très original qui vise à dire que la guerre décime concrètement des familles entières, BROTHERS décortique la manière sournoise avec laquelle «l’esprit américain» peut gangréner les foyers yankees avec son sens du mérite, ses dévotions religieuses ou son obsession de la victoire. Attribuons cette subtilité-là à la sensibilité, la finesse et l’expérience d’un Jim Sheridan, irlandais et donc extérieur et distancié, qui n’a jamais cessé d’analyser l’impact d’une politique sur l’individu (MY LEFT FOOT, THE BOXER, IN AMERICA etc.). Le drame est profond à voir les certitudes d’une poignée de personnages campés sur une morale rigide, installés dans un bonheur acquis et baignant dans une idée préconçue de la justice, voler en éclat. Nul doute, les acteurs de ce triolisme malmené par la morale sont la clé de voûte de BROTHERS. Car en matière de contre-emploi génial, utiliser les éternels adolescents Natalie Portman et Tobey Maguire JakeNataliepour incarner deux parents responsables, c’est déjà malin, mais faire de Jake Gyllenhaal le mauvais fils et de l’ex-Spider-Man un vétéran dangereux, c’est là encore violer l’Amérique proprette : la faire grandir très vite pour mieux la massacrer. Dire que chacun est parfait dans son rôle, ce serait s’étonner que Sheridan soit l’un des meilleurs directeurs d’acteurs du moment : stupide. Si le réalisateur a réussi à faire de 50 Cent un acteur dans RÉUSSIR OU MOURIR, on ne s’étonnera ni de l’Oscar de Daniel Day Lewis pour MY LEFT FOOT, ni de la grande tournure qu’a prise avec BROTHERS les carrières du trio de tête et celle d’une toute jeune actrice de 10 ans, Bailee Madison, imparable dans le rôle de la fillette en colère. Et si l’on devait comparer ce BROTHERS-là à son modèle – ce qui n’est vraiment pas indispensable tant que le résultat est là -, on dirait volontiers que la pertinence du propos et l’empathie naturelle qu’on éprouve pour les interprètes rendent BROTHERS bien plus bouleversant que son aîné.

Brothers, de Jim Sheridan. Etats-Unis. 1h44. Avec Tobey Maguire, Natalie Portman, Jake Gyllenhaal. Sortie le 3 février 2010.

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