Sherlock Holmes : chronique

31-01-2010 - 14:34 - Par

SherlockBandeau

Quand un cinéaste aussi appréciable qu’irrégulier revisite un mythe de la littérature pour un producteur bourrin, on obtient quoi ? Un pur moment de plaisir.

Guy Ritchie, auteur de p’tits films très personnels aussi show off et répétitifs que plaisants (ARNAQUES CRIMES ET BOTANIQUE, SNATCH, ROCKNROLLA) tout comme d’opus à jeter aux ordures (REVOLVER, À LA DÉRIVE), engagé par Joel Silver, producteur qui ne fait pas dans la dentelle (DIE HARD, L’ARME FATALE), tout ça pour faire de Sherlock Holmes un héros de film d’action digne des années 2000, on y croyait que moyennement. Entrer dans une salle de projection avec précaution, voire une certaine dose de méfiance, peut s’avérer bénéfique. Car lorsque le film vous prend par le col dès la première scène, la surprise en est d’autant plus délicieuse.

SherlockPosterDepuis les années 80, décennie où l’entertainment futile, fun mais pas con, a atteint une certaine apogée avec des films comme GREMLINS, RETOUR VERS LE FUTUR, INDIANA JONES et autres GOONIES, ce genre très casse-gueule a évolué pour finir par prendre le public légèrement pour des idiots. On s’y est fait, rangeant parfois nos critères de jugement au placard, certains de ne plus tomber très souvent sur des divertissements façonnés avec passion et respect de l’auditoire. Bien sûr, SHERLOCK HOLMES n’est pas l’INDIANA JONES des années 2000, mais il s’en rapproche. Tout d’abord parce que sa tendance à tomber dans la frime visuelle chère à Ritchie et aux années MTV (ralentis, accélérations), est loin d’être vaine, et sert la caractérisation du héros, à dépeindre sa capacité à réfléchir plus vite que tout le monde. Dès la première scène du film, sommet de tension filmée au cordeau, mise magistralement en musique par un Hans Zimmer toujours pas redescendu de son nuage post DARK KNIGHT, Guy Ritchie pose toutes les bases de son SHERLOCK HOLMES. Ici, le héros créé par Sir Arthur Conan Doyle ne porte pas de complet rétro, n’est pas un aristo guindé. Non, c’est un prolo grande gueule, bagarreur à l’intellect affuté, limite dépressif, et chargé de résoudre le mystère suivant : comment Lord Blackwood, arrêté par Holmes puis exécuté pour avoir assassiné des jeunes femmes lors de rituels occultes, a-t-il bien pu se lever de sa tombe ? Quel plan diabolique le mort-vivant poursuit-il ? Qui sont ses alliés ?

Sherlock2Sous le charme en quelques secondes grâce à une alchimie incontestable entre un Downey Jr plus Tony Stark que jamais et un Jude Law qui n’a jamais été ni aussi bon ni aussi charismatique, le spectateur se retrouve alors projeté dans un hybride de DIE HARD, d’Hercule Poirot et du jeu vidéo « Professeur Layton », où le scénario ménage un équilibre particulièrement bien dosé entre action trépidante, dialogues remarquablement écrits, amitié virile crypto-gay émouvante, scénario malin accumulant mystères, indices et hypothèses, et résolution finale déroulée à la façon d’Agatha Christie. Le tout saupoudré d’idées de mises en scène marquantes : un acouphène induit par un coup de feu couvrant sourdement les coups d’Holmes sur ses ennemis, un lourd silence accompagnant une explosion, des ralentis où Holmes planifie les coups qu’il va porter à un ennemi pour s’en débarrasser etc. Mais surtout, SHERLOCK HOLMES a ce « je ne sais quoi » d’old school, où la toute puissance du récit prend le pas sur toute frime ou velléité spectaculaire, gentiment aéré par une ironie et un recul bienvenus, jamais forcés ou cyniques. Malgré quelques défauts vite oubliés (quelques SFX ratés, une ambiance parfois trop bruyante, le jeu de Downey que l’on pourra juger paresseux…), cette narration roublarde sans être condescendante, que l’on chérissait tant dans les productions Spielberg des années 80, fait de SHERLOCK HOLMES un grand moment d’amusement, où l’on replonge avec délice dans nos 10 ans, le sourire constamment au bord des lèvres. Pas encore de quoi rivaliser avec nos madeleines proustiennes, mais un substitut salvateur, qu’il serait vraiment dommage de bouder.

Sherlock Holmes, de Guy Ritchie. Etats-Unis/Grande-Bretagne. Avec Robert Downey Jr, Jude Lax, Mark Strong, Rachel McAdams. 2h10. Sortie le 3 février.

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