Lovely Bones : chronique

07-02-2010 - 22:37 - Par

LovelyBonesBandeau

Adaptant un best-seller lacrymal, Peter Jackson renoue avec ce qui l’a fait connaître : l’abondance de mauvais goût. Et s’en sort bizarrement haut la main.

Un film peut-il se départir de l’image qu’on a de lui ? La réponse nous a été donnée avec LOVELY BONES, dont, sans même l’avoir vu, nous avions une image désastreuse. La faute à un bouche-à-oreille critique profondément négatif. « Chiant à en crever », « laid à en vomir », « long, trop long, BEAUCOUP trop long » : voilà ce qu’on avait pu lire dans les média américains ou entendre de nos confrères journalistes. Alors, soyons clairs : LOVELY BONES est facile à détester. Mais pas impossible à aimer.

LovelyBonesPosterAvec LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, Peter Jackson a floué tout le monde : le public, les critiques, l’Académie des Oscars. Une entreprise totalement folle, réalisée avec une telle passion communicative qu’elle a fini par tout dévaster sur son passage. Mais qui a donné une image totalement fausse de son réalisateur. Car à l’instar des plus grands cinéastes (de Kubrick à Scorsese en passant par Spielberg), Peter Jackson a mauvais goût. Et l’assume. Tant que ce mauvais goût sert son récit et les émotions qu’il requiert. Rappelez-vous LES FEEBLES, BAD TASTE ou BRAIN DEAD, les scènes crypto-gays bien cucul de la Trilogie de l’Anneau. Qu’attendre d’un cinéaste capable de rire de Muppets pervers et libidineux, de tuer un mouton au bazooka ou de se repaître d’une soupe à l’oreille ? Rien, sauf de se laisser emporter par l’univers. LOVELY BONES où comment Susie, 14 ans, se fait violer et assassiner, et de l’au-delà (une sorte de pré-Paradis) observe sa famille se déliter et surveille la progression de l’enquête. Casse-gueule. Et Peter Jackson se prend souvent les pieds dans le tapis de son sujet. Volontairement serait-on tentés de dire. Là où les plus niais auraient dépeint « l’entre deux mondes » de Susie uniquement sur le mode cotonneux d’Epinal servi par la Bible, et là où les plus cyniques l’auraient fait avec pour seul motif la noirceur dégueulasse de la mort, Peter Jackson a tranché. Ce sera les deux. Résultat ? Jackson trébuche en faisant de certaines scènes des ersatz de pubs pour parfum, puis se relève l’instant d’après, insufflant à son imagerie post-mortem des atours flippants style L’ÉCHELLE DE JACOB (Susie dans une salle de bains lumineuse entachée de sang et de boue) ou de purs moments de poésie diffuse (un champ de blé devenant océan). D’aucuns argueront qu’avoir le cul entre ces deux chaises nuit à LOVELY BONES, là où son CRÉATURES CÉLESTES avait su user de tant de subtilité. Alors que ce non-choix donne au film sa force : refusant le dogme esthétique, LovelyBonesPicJackson se donne le droit de tout foirer, se rattraper, tomber dans un puits sans fond de mauvais goût, pour ressurgir à la surface d’une délicatesse sans nom. Foutraque, LOVELY BONES l’est donc à plein. Et l’on pourrait continuer des heures sur la schizophrénie du film : Mark Wahlberg mauvais comme un pied / Saoirse Ronan superbe, montage complaisant dépassant inutilement les deux heures / dosage intelligent de la montée des émotions, manque de force du « thriller d’enquête » / chamade lorsque la sœur de Susie s’introduit chez le tueur présumé, mièvrerie apparente du propos / pureté des sentiments et beauté innocente du même propos etc. A l’heure où de grands spectacles simplistes, balourds, linéaires et calibrés atteignent le milliard, on est gré à Peter Jackson d’oser fabriquer un blockbuster artisanal, aussi sincère que calculé, aussi beau que laid, aussi efficace qu’ennuyeux. Un paradoxe qui rend LOVELY BONES impossible à ne pas aimer, si tant est que l’on veuille bien ouvrir son cœur et ses mirettes.

Lovely Bones, de Peter Jackson. Etats-Unis/UK/Nouvelle-Zélande. Avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz. 2h08. Sortie le 10 février

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