Un film inégal en contrepied total de l’industrie actuelle. Grandes surprises et petites déceptions au programme.
On le sait, les Dieux d’Hollywood ont fait subir les pires misères à WOLFMAN. Mark Romanek, réalisateur attitré, s’est enfui quelques jours à peine avant le début du tournage, Joe Johnston a embarqué in extremis, l’équipe a été contrainte à des reshoots puis les rumeurs sont allées bon train sur le mécontentement général quant aux musiques livrées par un Danny Elfman qui faisait pourtant office de caution gothique (et c’est vrai, la musique du fidèle de Tim Burton ne sied pas au film). Et plus récemment, journalistes américains et bloggers rapportaient l’arrivée d’un monteur/sauveteur à un mois de la sortie du film, ce qui fut en outre démenti par Universal. Indubitablement, ce marasme (pas de fumée sans feu) imprègne WOLFMAN, de sa narration à ses effets spéciaux : un début et une exposition des personnages et de leurs relations bancals, et l’on pense irrémédiablement à un conflit sur les bancs de montage. La faiblesse de certains SFX et le ratage de quelques fonds verts, et l’on extrapole quelques soucis financiers. On n’oserait penser que Joe Johnston, réalisateur du prochain et très attendu CAPTAIN AMERICA, n’est pas un bon technicien… Enfin, disons qu’on croise les doigts.
Pourquoi se fendre d’une critique de WOLFMAN s’il ne répond pas aux grandes attentes que nous en avions ? Parce qu’il n’est pas que la victime de son ambition hollywoodienne. Bien sûr, il n’est pas pour nous le blockbuster sur un aristocrate mordu par une bête, que Benicio del Toro ou Emily Blunt ont voulu nous vendre en promotion. Il est au contraire le petit résistant d’une industrie formatée, bourré d’audace, ivre du charme de ses acteurs (principalement Del Toro et Blunt, Hopkins a une tendance au minimum syndical) et surtout si fort dans le drame, l’horreur et le gore que sa vocation d’actioner (dans son dernier tiers) était bien superflue. Car une fois qu’on a dompté WOLFMAN, ses accents gipsy, sa photo sombre, boueuse et poussiéreuse et son anti-héros charismatique s’allient pour une spirale particulièrement dark d’aliénation et de rapports tordus au charnel. WOLFMAN est gore, toutes tripes à l’air, il revendique son ambiance victorienne si peu bankable, mais surtout entre hommage au classicisme de son histoire et mise en scène ultra-efficace, il est un rejeton dégénéré du cinéma commercial. Nous parlons bien là de meurtres sanglants (vraiment sanglants) pour tout climax, d’une sale bête comme héros d’un film, d’une balle d’argent dans la peau pour toute kryptonite, d’un lynchage collectif pour toute justice et d’une histoire de respect, non d’une love story. En fait, on parle de la vocation financière d’un studio à moderniser une légende sans âge, rentrant en conflit avec le sujet lui-même et le producteur, Del Toro, qui engendrent un anti-film de super-héros splendide et difficile à appréhender par le grand public. Finalement, WOLFMAN, thriller exaltant sur une bête sanguinaire, est vicié par des contingences commerciales. Une fois compris que WOLFMAN ne doit pas être jugé comme un blockbuster, se cache un bon film porté par un Benicio plus impliqué que jamais à faire sortir la bête qui est en lui (décidément l’un des meilleurs acteurs du moment), une Emily Blunt révélée, et quelques grands moments de cinéma, notamment dans sa première demi-heure et la découverte de l’existence d’un monstre dans un coin reculé d’Angleterre. Même que, non, tous les SFX show-off du film ne sont pas foirés : preuve en est de la première transformation de Benicio del Toro en loup-garou, vraiment pénible à regarder – dans le bon sens, s’entend. C’est en rédigeant ces mots sur WOLFMAN qu’on s’est aperçu qu’il ne rentrait que dans peu de cases, celle du film d’horreur old-school étant peut-être la mieux adaptée à son étrange profil.
Wolfman, de Joe Johnston, USA. Avec Benicio Del Toro, Emily Blunt. 1h35. Sortie le 10 février.
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