Le Guerrier Silencieux – Valhalla Rising : Chronique

09-03-2010 - 22:07 - Par

ValhallaRisingBandeau

Après BRONSON, le Danois Nicolas Winding Refn repousse une nouvelle fois les limites de son cinéma pour un film quasi-expérimental.

1000 ans après Jésus-Christ : le guerrier et esclave One Eye (Mads Mikkelsen), borgne comme son nom l’indique, mais fort comme un Dieu en colère, s’affranchit enfin de ses bourreaux. Dans ce bain de sang, il laisse peu de survivants ; l’un d’entre eux, Are, n’a même pas dix ans et il décide de suivre One Eye dans son périple alors qu’il embarque à bord d’un vaisseau viking parti en croisade pour l’inconnu.

ValhallaPosterDans le sous-genre « film de viking muet », niche qui n’existe pas ou presque, d’autant plus de nos jours, Nicolas Winding Refn est l’ambassadeur dont les cinéphiles avertis et déviants rêvaient. Alors que le réalisateur avait livré la trilogie ultraviolente PUSHER, son BRONSON l’an dernier marquait un virage clairement expérimental dans son cinéma. Là où la plupart des cinéastes têtes brûlées auraient démarré dans un art radical pour assagir leur style, le Danois, fort d’une réputation impeccable auprès des producteurs d’Hollywood, tend à devenir un terroriste du 7e art. BRONSON avait la réputation d’être l’ORANGE MÉCANIQUE des années 2000 (toutes mesures gardées), VALHALLA RISING, c’est un peu son 2001, son va-tout auteuriste, son ultime expérimentation visuelle et sonore et la somme outrancière de toutes ses marques de fabrique. Ultra-gore, très aride, surréaliste, mais encore plus spirituel que ses précédents films sur-rythmés, sa nouvelle pièce flirte avec le voyage philosophique au royaume des Dieux. Car VALHALLA s’ancre dans la mythologie nordique, plus dans la réalité prolétaire qui lui était si chère. One-Eye, force de la nature qui se refuse à parler, s’en va vers Valhalla, paradis viking du royaume des Dieux dans la mythologie, et par ce voyage qui l’achemine vers une folie irréelle, se révèle surpuissant mais peut-être pas immortel. Découpé en acte comme une pièce classique, LE GUERRIER SILENCIEUX relève du trip hallucinogène : comme dans BRONSON, Winding Refn use de cut ValhallaPicviolents, de filtres rouges-sang, de gros plans cauchemardesques et parce qu’à chaque histoire sa mise en scène, il peut aussi bien virer au contemplatif, filmant longuement les grands paysages d’Écosse qui servent de décor à cette histoire baignée dans une nébuleuse géographique. Non seulement le réalisateur a l’intelligence d’étoffer et renouveler sa réalisation à chaque fois, mais il s’adapte aussi à l’énergie de ses héros. Si son portrait du fou-furieux grand-guignol Charles Bronson était vigoureux, vif, sur-speedé, explosif, il filme ici son guerrier surhumain dans une autre énergie, celle ou chaque plan pèse, lesté d’une noblesse lourde, sans effet de manche. Et si ce style-là se voit bousculé par des passages plus épileptiques, c’est parce que dans VALHALLA comme dans BRONSON, le mal qui ronge l’homme est intrinsèquement le sujet favori de l’étude déviante de Winding Refn. VALHALLA n’est pas un film accessible. Très visuel, taiseux, sanguinolent, il ne se regarde pas mais se vit comme une expérience morbide dont la complexité et la volonté hypnotique nous entraînent irrémédiablement vers le bas. Mais avec tant de talent, que ça valait bien le voyage.

Le Guerrier Silencieux – Valhalla Rising, de Nicolas Winding Refn, Danemark-Angleterre. Avec Mads Mikkelsen. 1h30. Sortie le 10 mars 2010.

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