Les Chèvres du Pentagone : chronique

10-03-2010 - 08:46 - Par

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George Clooney et Jeff Bridges jouent aux soldats mystiques face à un Ewan McGregor médusé et… des chèvres.

« Ce que vous allez voir est plus vrai que vous ne pouvez le penser » clame un carton en introduction des CHÈVRES DU PENTAGONE. En effet, le premier film de Grant Heslov, producteur de Clooney et co-scénariste de GOOD NIGHT, AND GOOD LUCK s’inspire de faits réels, bien que totalement barrés, chroniqués par le journaliste Jon Ronson dans son livre éponyme. Soit l’histoire vraie, ici romancée, de militaires sous influence New Age, cornaqués par un programme de l’US Army visant à faire d’eux des super-soldats aux pouvoirs psychiques. Une histoire vraie donnant lieu à une comédie survitaminée, au propos brûlant et poignant.

ChevresPosterAu centre des CHÈVRES DU PENTAGONE reposent deux buts : chroniquer une histoire vraie étonnante et incroyable (au sens premier du terme), et observer avec une grande tendresse la naissance d’une amitié inspiratrice. Aux Etats-Unis, le film s’est mangé un box-office désastreux et des critiques très acides clamant que le récit n’allait nulle part. Certes, le film de Grant Heslov est plombé par un ventre mou d’un quart d’heure à sa moitié et par quelques maladresses vers sa fin, mais il va bien quelque part, tête baissée. Au départ, LES CHÈVRES DU PENTAGONE sent bon le délire lorgnant vers la screwball comedy (humour visuel et dialogues écrits au couteau). Une screwball comedy ne chroniquant pas une histoire de couple, comme il est de coutume, mais une histoire d’amitié. On croise donc ici un journaliste trompé par sa femme (Ewan McGregor) se liant avec un ex-soldat (George Clooney) lancé dans une mission secrète. Un soldat qui assure être un « Guerrier Jedi » (imaginez la tête d’Ewan « Kenobi » McGregor lors de l’annonce), formé au sein de l’Armée US par un général hippie incarné par un Jeff Bridges plus « Dude » que le Dude. Ici, l’inventivité comique est totale. Situations ubuesques (des soldats dansant sur du Billy Idol, Clooney tuant une chèvre par la force de sa pensée), dialogues à tomber (la démonstration d’une arme en plastique), chronique de l’histoire américaine à travers le prisme de la contre-culture (partouzes de hippies, le Vietnam façon TONNERRE SOUS LES TROPIQUES), et ChevresPicréférences pop hilarantes (STAR WARS à tous les étages) : la première heure du film affiche un rythme effréné, où chaque gag et ligne de dialogues font mouche, portés par un casting versatile et dévoué. A commencer par George Clooney, en mix savant de Cary Grant et de James Stewart, prouvant une fois de plus la richesse de son jeu. Tout ça pour mener, dans la dernière demi-heure à une diatribe acerbe de l’Amérique, au centre de laquelle figurent en bonne place la dénonciation de la guerre en Irak, des responsabilités des Etats-Unis dans tout ce que le monde connaît d’atrocités, et de la volonté des autorités américaines à tout surveiller et tout écraser, en un Big Brother manipulateur, belliciste et pervers. Mais au contraire de nombre de films engagés post-11/09, LES CHÈVRES DU PENTAGONE ne fait pas que dénoncer. Il apporte avec tendresse une solution, qui, si elle apparaît bien utopiste, n’en est pas moins rafraîchissante : l’amitié, le respect de l’autre, et surtout le respect de soi et de ses idéaux. Si bien que LES CHÈVRES DU PENTAGONE, de comédie à œuvre engagée, se meut au final en récit initiatique sentimental et mélancolique. Une richesse de tons et de thèmes faisant du film une œuvre foutraque certes, mais poignante et salutaire.

Les Chèvres du Pentagone, de Grant Heslov, USA. Avec George Clooney, Ewan McGregor, Jeff Bridges, Kevin Spacey. 1h34. Sortie le 10 mars 2010.

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