Soul Kitchen : chronique

16-03-2010 - 15:39 - Par

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Après les bouillonnants drames HEAD-ON et DE L’AUTRE CÔTÉ, Fatih Akin se détend et offre une comédie enlevée sur la bonne chair et la musique.

Si le cinéaste germano-turc Fatih Akin avait déjà réalisé des opus aussi différents que le polar L’ENGRENAGE ou la romance JULIE EN JUILLET, il s’était davantage fait connaître auprès des cinéphiles de tous poils grâce à ses deux opus « de festivals » que sont HEAD-ON (Ours d’Or à Berlin) et DE L’AUTRE CÔTÉ (Prix du Scénario à Cannes). Soit deux drames poignants et subtils. Se sentant enfermé dans une image d’auteur sérieux, Fatih Akin a décidé de ressortir de ses tiroirs un ancien projet qui lui tenait particulièrement à cœur : SOUL KITCHEN. Une comédie sur la famille, l’amitié, Hambourg, la bonne bouffe, les affaires de cœur, la musique soul, faisant appel à des références de cinéphages aussi diverses que ROCKY, les films de kung-fu et les Heimatfilms chers au cinéma allemand. Tout ça fleure le grand n’importe quoi. Et c’est tant mieux.

SoulKitchenPosterOn ne s’attendait pas à siffloter de bien-être après avoir visionné un film de Fatih Akin. Le cinéaste ne livre pas pour autant une pochade beauf à la française ou un délire délicieusement débile à l’américaine. Plus proche de la comédie sociale à l’anglaise, Akin s’attache avant tout à des personnages, et notamment aux liens qui unissent deux frères, Zinos et Illias. Le premier, restaurateur, vient de se faire plaquer par sa copine Nadine, partie en Chine. Le second sort à peine de prison. Pour rejoindre Nadine, Zinos confie son resto en gérance à Illias. Mauvaise idée. L’aventure humaine qui suit aura pour but d’explorer comment le lien humain (qu’il soit social, fraternel, amoureux) passe par le partage. De bouffe, de picole, de musique, de galères aussi. Un propos qui aurait pu sombrer tranquillement dans le prêchi prêcha ou le franchement mièvre, si Fatih Akin n’avait pas l’intelligence de l’enrober sous une couche délicate de tendresse. Entre personnages, pour les personnages. Le tout cadencé à un rythme effréné, laissant souffler sur son récit l’atmosphère fêtarde d’Hambourg (parlez-en aux Beatles). Devant SOUL KITCHEN, on passe donc le plus clair de son temps le sourire aux lèvres. Pas d’éclats de rires en vue (malgré quelques gags bien burlesques), SoulKitchenPicmais une ambiance bienveillante, à laquelle tout le monde pourra s’identifier, tant le scénario fourmille de petites situations quotidiennes et universelles. La relation à problèmes entre Zinos et Illias, les problèmes de cœur des uns et des autres, les longs discours sur l’esthétique de la cuisine ou l’importance de la musique, tout ici tend un miroir au spectateur, quel qu’il soit. SOUL KITCHEN, jamais théorique, mais foncièrement pragmatique, énergique et partageur, se consomme avec appétit et plonge le spectateur dans une petite euphorie passagère. Rien qui ne marquera foncièrement le cinéma ni même la filmographie de Fatih Akin. Mais à l’heure où le cynisme, l’avidité, la méfiance régissent toutes les sociétés occidentales, SOUL KITCHEN nous propose simplement d’entrer dans une salle de cinéma, et lâcher prise pendant 99 minutes. On signe tout de suite.

Soul Kitchen, de Fatih Akin. Allemagne. 1h39. Avec Adam Bousdoukos, Moritz Bleibtreu, Birol Unel. Sortie le 17 mars 2010.

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