Preview : Robin des Bois

13-04-2010 - 15:35 - Par

RobinHoodBandeau

Ridley Scott et Russell Crowe s’associent pour la cinquième fois pour revisiter avec une rage furieuse le mythe du justicier des forêts. Entendez par là que les collants verts et Bryan Adams ne seront pas de sortie.

26 mars 2010 : les autorités du Festival de Cannes confirment une rumeur qui se balade sur le net et dans les arcanes de la presse française depuis quelques jours. ROBIN DES BOIS de Ridley Scott ouvrira la grande messe internationale du cinéma le 12 mai prochain. La nouvelle ne surprend pas grand monde. Les blockbusters se bousculent toujours à Cannes, histoire de rameuter en avant-première mondiale le glamour sur le tapis rouge. Mais juger ROBIN DES BOIS à travers ce seul prisme trivial, c’est oublier un peu vite que Ridley Scott reste un vrai cinéaste et Russell Crowe une brutasse d’intensité. Deux immenses talents dont les carrières respectives vagabondent dans des eaux moins engageantes ces dernières années, certes. Pourtant, depuis la révélation des premières images de ROBIN DES BOIS, un frisson d’impatience et d’excitation nous saisit. C’est que derrière des atours de paresse hollywoodienne revisitant un mythe éculé, émane de ce ROBIN DES BOIS une soif de cinoche dévastant tout sur son passage.

RobinArcBousculer la tradition

« Hé mec, ça te dirait de faire Robin des Bois ? » Voilà en gros ce qu’a lancé Russell Crowe à son ami Ridley Scott voilà trois ans. Les deux hommes se connaissent bien. Après GLADIATOR, ils ont remis le couvert trois fois, pour le très mauvais UNE GRANDE ANNÉE, et les inégaux AMERICAN GANGSTER et MENSONGES D’ETAT. Alors face à la proposition de son acteur fétiche, le cinéaste n’hésite pas une seule seconde. « Il suffit de regarder ce qui s’est fait en la matière sur ce personnage et sans être trop critique, on constate qu’il avait bien besoin d’un lifting. Et c’est exactement ce que nous avons fait » lance Ridley Scott au magazine Empire. Le cinéaste marque un point. Impossible de recenser la totalité des œuvres cinématographiques ou télévisuelles centrées sur ce personnage légendaire, mais nous en avons compté au bas mot une cinquantaine, des aventures avec Robert Frazer (1912), Douglas Fairbanks (1922), Errol Flynn (1938), Sean Connery (1976) ou Kevin Costner (1991), au dessin animé Disney (1973), en passant par la parodie de Mel Brooks (1993) et la récente série télé de la BBC (depuis 2006). Et l’on ne parle même pas des balades ou poèmes florissant depuis le XIVe siècle. Alors quand en 2007 émerge dans les arcanes d’Hollywood un scénario intitulé NOTTINGHAM écrit par les créateurs de la série SLEEPER CELL, Ethan Reiff et Cyrus Voris, tous les studios sont sur le coup : Warner, Dreamworks, Sony et Universal, qui emportera finalement le gros lot, au bout de 36 heures d’une guerre sans nom ayant fait de Reiff et Voris des hommes riches. Sauf que ce script ne sera pas celui mis en images par Ridley Scott. Un script faisant du shérif de Nottingham le héros et Robin des Bois le salopard. Une relecture audacieuse et inédite, où Crowe doit camper le shérif et pour laquelle Christian Bale ou Sam Riley BaleRileysont annoncés dans le rôle de Robin. Des rumeurs de casting démenties, vite suivies par une annonce fracassante à l’été 2008 : Crowe campera Nottingham ET Robin, les deux personnages ne faisant qu’un ! Internet s’excite et Brian Grazer, le producteur, se sentira obligé de s’expliquer : « Lors d’une bataille en début de film, Robin voit le shérif mourir et décide d’usurper son identité ». Mais au final, le scénario acheté à prix d’or finit par poser problème. « Quand je l’ai lu, sans vouloir manquer de respect aux mecs qui l’ont écrit, je me suis dit que c’était LES EXPERTS : FORÊT DE SHERWOOD. Je ne me voyais pas faire ça » a récemment expliqué Crowe au Times. Ridley Scott, lui, va plus loin : « C’était d’un putain de ridicule. Horrible. Un truc à réécrire de la première à la dernière page. Si vous comptez investir sur un film Robin des Bois, pourquoi l’appeler NOTTINGHAM ? Vous passeriez 80% de votre budget marketing à expliquer le titre. Ça n’avait aucun sens ». Brian Helgeland (L.A CONFIDENTIAL) est appelé à la rescousse pour les réécritures. Pas de bol, la grève des scénaristes pointe le bout de son nez et le studio prend la décision à l’été 2008 de repousser le projet…

BlanchettCroweScottLe passé dans la modernité

Même si NOTTINGHAM, devenu ROBIN HOOD, ne réécrira pas la légende avec autant de radicalité que prévue initialement, le polissage effectué par Helgeland n’a pas pour autant vocation à revenir aux versions plan plan du passé. « Vous n’êtes pas obligés de jouer la même partition. Vous pouvez prendre la même période historiques, le même message, et poser un regard complètement neuf » assure Crowe. Ce regard, Scott le veut attaché à une certaine réalité historique, faisant écho aux première balades citant le personnage, et à une grande modernité de propos. Robin y est donc Robin Longstride (et non pas Loxley), revenant en Angleterre pour offrir au Prince Jean la couronne du Roi Richard, mort en Normandie après dix ans de croisades, et découvrant son pays politiquement corrompu et économiquement ruiné. Une situation qui pousse Robin à se faire passer pour Sir Robert Loxley, un de ses amis décédé, afin d’empêcher sa femme Marianne Loxley (Cate Blanchett) de se faire exproprier de ses terres par les seigneurs. Voyant sa nation exsangue et poussée à la famine par l’aristocratie et les privilèges, Robin prend les armes. De là à dire que ROBIN DES BOIS explore la perte de confiance du peuple en les politiques et la crise économique actuelle, sujet très contemporain, il n’y a qu’un pas. « Nous abordons de façon plus métaphorique le concept central – voler aux riches pour donner aux pauvres » clame Russell Crowe. « Ici, Robin prend une partie des libertés et des droits de la monarchie ou de l’aristocratie, pour la restituer au peuple ». Une modernité et une crédibilité historique qui prévaut jusque dans les costumes : « Je ne porterai pas de collants » assène le comédien « car ils n’ont été inventée qu’au XVIIe siècle, alors que ROBIN DES BOIS se déroule entre 1198 et 1202 ». Et quand on sait que ExergueRobinRidley Scott a dirigé l’acteur français Jonathan Zaccaï, qui campe le Roi de France Philippe II, en vue d’en faire « une sorte de mafieux », on se dit sans peine que ROBIN DES BOIS ne fera pas dans le classicisme du film d’époque. Un souffle nouveau que Ridley Scott voit comme une genèse, à la BATMAN BEGINS, dans laquelle Robin ne devient la légende connue de tous que dans les dernières minutes du métrage.  « Nous souhaitions faire un film historiquement crédible, qui soit aussi pétri d’action et de drame. Les histoires de Robin des Bois ont toujours été contées de façon simple et divertissante et c’est ce qui a aussi fait le succès de GLADIATOR » déclare Ridley Scott au Times en forme de note d’intention.

MerryMenSetLa rage au ventre

Pour mettre sur l’écran cette même passion qui faisait de GLADIATOR un divertissement à l’ancienne aux résonances résolument contemporaines, Russell Crowe n’y va pas par quatre chemins. L’acteur s’entraîne des mois au tir à l’arc, en bon disciple de la Méthode. Puis invite Scott Grimes (URGENCES), Kevin Durand (LOST) et Alan Doyle (musicien du groupe canadien « Great Big Sea »), qui campent respectivement Will Scarlet, Petit Jean et Allan A’Dayle, les compagnons de Robin, dans sa propriété galloise pour un petit camp d’entraînement. Crowe qui a connu en 2005 Alan Doyle quand celui-ci est venu jouer de la guitare sur un de ses albums, a embringué le musicien dans ROBIN DES BOIS « car il savait jouer du luth », tout comme son personnage. Et sa description du petit camp d’entraînement selon Russell Crowe fait peur : « On a fait du jogging, du vélo, du yoga, de la musculation, du cheval, du tir à l’arc, de l’épée. C’était tout sauf tranquille ! » rigole Doyle. Un engagement nécessaire selon Russell Crowe, qui voit là une bonne façon « de connecter tout le monde au film et d’éviter d’avoir des mecs se la pétant avec des lunettes de soleil sur le plateau ». Doyle étant le pote de Crowe, Grimes et Durand ayant déjà joué avec lui dans le film MYSTERY ALASKA, on ose imaginer ce qu’il aurait fait subir à des inconnus… Mais pour l’imposant comédien, tout doit être fait pour « qu’on se dise le matin en se levant qu’on va faire quelque chose de spécial. Avec un peu chance, au final, cela donne un film qui vaut le coup ». Ridley Scott, lui, fera preuve de sa rage de vaincre sur le plateau, bravant à 72 ans l’un des tournages les plus imposants et harassants de sa carrière.

DurandAnarchie, violence, adrénaline

En pré-production, le cinéaste doit faire face aux problèmes de script, à la grève des scénaristes, au planning de tournage devant coïncider avec la belle saison pour avoir sur pellicule des forêts florissantes, le remplacement de Sienna Miller, trop jeune, par Cate Blanchett pour camper Marianne. Mais ce n’est rien comparé aux prises de vues. Le cinéaste a eu beau revenir dans la forêt de Bourne Wood, décor porte-bonheur de la première scène de GLADIATOR, le tournage de ROBIN DES BOIS n’a rien eu d’une promenade de santé balisée. « Tous les décors naturels du XIe et XIIe siècle sont en ruines » explique le production designer Arthur Marx (déjà aux commandes de GLADIATOR). Pour des questions pragmatiques, exit la région de la forêt de Sherwood et bonjour la région campagnarde entourant les studios de Shepperton. Un village entier sort de terre, avec son église, son hôtel, ses bâtisses et ses commerces. Plus des châteaux en partie créés numériquement. Des contingences somme toute classiques dès que l’on parle de films d’époque. Pour l’une des plus grosses scènes de bataille censée se dérouler à Douvres, en revanche, Scott doit faire face à un challenge sans nom. Filmé à Pembrokeshire (les blanches falaises de Douvres étant rajoutées par ordinateur), le plateau voit débarquer 1000 figurants en costume, 130 cavaliers chargeant sur la plage, des dizaines de navires vomissant des soldats français sur le sable… Or, la Manche et ses marées ne ChargePlage2sont pas connues pour se plier tranquillement aux désidérata d’un cinéaste et aux nécessités de continuité de plans. « J’étais inquiet » raconte Scott « car la mer ne cesse jamais de bouger. La marée se déplace à la vitesse de l’éclair et rien n’est jamais à la même position ». Alors quand les barges débarquent sur la plage, et que le plan ne convient pas… tout devient un véritable enfer. Scott, lui, fait trempette, repoussant les embarcations dans l’eau, hurlant à son équipe de l’aider, afin de pouvoir retourner le plan au plus vite. « Tout n’était qu’anarchie, violence et adrénaline » décrit Russell Crowe. Saupoudrez tout ce fatras de rumeurs de disputes entre le réalisateur et sa star, et vous obtenez un sacré bordel. « C’est notre façon de faire » clame Scott. « Avec Russell, vous avez intérêt à être préparé. Il est un partenaire difficile et vous écoute très intensément. Il exige la réciproque ». L’acteur, lui, a beau être co-producteur du film, il sait à qui il voue son allégeance : « Le studio pensait sans doute que je les aiderai à m’opposer à Ridley, mais c’est pour lui que je bosse ». Dont acte.

CroweObligation de résultat

Toute cette sueur et ces obstacles surmontés avec fureur se voient finalement à l’écran, ou du moins, dans l’épique bande-annonce. Certains ont comparé la chose à une sorte de GLADIATOR des bois. Un parallèle qui, si il se faisait également au niveau du box-office, ne déplairait pas à Universal. Le studio, après les échecs cuisants de WOLFMAN, REPO MEN et GREEN ZONE, n’a pas le droit à l’erreur. Se disant aux abois financièrement, la major a même récemment annulé le tournage de CARTEL, un mois seulement avant le début des prises de vues. ROBIN DES BOIS se doit donc de remplir les caisses. Si bien qu’en décembre dernier, la rumeur voulait que le film soit converti en 3D, histoire de grappiller quelques dollars de plus sur chaque ticket. Des bruits rapidement démentis, heureusement. Reste plus qu’à convaincre la presse internationale à Cannes le 12 mai prochain, et ainsi créer un buzz monumental pour la sortie deux jours plus tard. Ridley Scott, lui, fidèle à sa vision selon laquelle ROBIN DES BOIS ne serait qu’une genèse, pense déjà au futur. « Si nous pouvions faire une suite, ou plusieurs, l’ennemi durant toute la saga serait Jean Sans Terre (King John), et l’on explorerait ses 17 ans de règne. Les derniers faits d’armes de Robin meneraient à la signature de la Magna Carta » (un acte signé en 1215 limitant le pouvoir royal et affirmant les libertés individuelles, NDLR). Ambitieux et alléchant. De quoi espérer que ROBIN DES BOIS tienne ses promesses artistiques, et commerciales.

Robin des Bois, de Ridley Scott. Etats-Unis. Avec Russell Crowe, Cate Blanchett. Sortie le 12 mai 2010.

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.